Alors d’accord, regarde ce qu’on va faire. Je vais avancer lentement ma main, tu vois, là, doucement, et je vais prendre la tienne. Non, non, vraiment, n’aie pas peur. D’accord, je recule. Tu es bête. Tu es beau aussi mais peu importe, écoute. Bon. Je peux…juste tendre ma main alors ? Promis, je ne touche pas la tienne. Voilà. Ah, tu as un très joli sourire, radieux, frais. Tu sais, je ne vais rien te faire. J’ai un peu d’appréhension par contre, j’ai du mal à comprendre tes réactions, il faut que tu tendes ta main toi aussi. Tu fais comme tu veux. Oui, par exemple. C’est nul, je rougis à présent. Arrête de regarder par terre, je perds mes moyens maintenant. Tu es sûr ? Non, je ne veux pas toucher ta main si tu dois la retirer violemment, tu comprends, c’est gênant. Tu me fais rire, je vois parfaitement qui tu es, mais tu crois encore que je ne comprends rien. Ce n’est pas grave tu sais, si tu veux on ne fait rien. D’ailleurs, tu as raison, peut-être vaut-il mieux qu’on en reste là. Allons, tu ne veux plus me regarder maintenant, et tu ne souris plus du tout. Je ne suis pas tellement étonnée tu sais, j’essaye parfois d’avoir moins froid en me serrant contre d’autres mais j’ai toujours froid et en plus j’ai mal au ventre. Je vais garder mes mains près de moi. Je ne sais pas si mon regard est triste à présent, mais tu essayes de me sourire, et c’est assez effrayant. Rien ne vient. On pourrait retourner chacun chez soi, et effacer ce souvenir encombrant. Tiens, tu te rapproches, mais… je dois faire quoi moi ? Décidément je ne comprendrai jamais rien. Ta main est douce, en fait. Je l’attendais moite et froide, morte. J’ai l’impression que je vais mourir de honte, enlève ta main. Ou enlève mes vêtements. Je voudrais bien me contenir, tu sais. Fais quelque chose, j’ai du mal à penser à quoi que ce soit, si, je vois la mer, un rayon de supermarché, une rue pavée, rien à voir, tout est vide, et tout se casse la gueule en moi, c’est un bel éboulis, merde, il va encore falloir que je range tout ça quand tu seras parti.

***

Moi j’ai cassé mes violons, un jour de grande tempête, j’en ai eu marre de l’orchestre, j’avais plus de mouchoirs et mon rimmel coulait.

Cela n’empêche pas quelques accointances, je peux m’essuyer à ma manche, morveuse et effrayée.

Et puis qu’est-ce que tu vas me faire ? Tu peux tout me faire.

Ah la la malheureux ! mais l’amour ça veut au moins dire ça :

« Entre ici Jean Moulin, et dans cette chambre danse pour moi. »

Et puis l’amour, c’est très surfait, et surtout publicitaire. Il n’empêche, parfois ça donne envie d’acheter.

C’est bon d’être un peu niais, de sourire de dépit, piégé de ne pouvoir s’en aller.

C’est bon d’être un peu troublé, jusqu’à en bafouiller.

De toute façon je ne peux rien te cacher, je suis enfin sage, nue et je me tais.

Ce n’est pas une raison pour rimer, certes.

Y’en a qui se regardent jusqu’à la nausée, y’en a qui scrutent les mêmes horizons, y’en a qui parlent mais ne se voient pas, moi je sais pas, je suis bien quand tu es là, je m’en fous si tu t’en vas, j’irai pas décrocher la lune mais je veux bien tenir ta main, pour être sûre qu’elle tombe pas. C’est presque une chanson, faudrait pas s’emballer, y voir des trucs pas vrais, s’inventer des battements. C’est possible que ça ne mène à rien, mais je n’ai pas encore de preuves.

Moi j’te regarde et j’t’entends, et parfois je comprends. Tu peux pas tellement techniquement être la moitié de moi, et inversement, mais tu peux me rentrer dedans et moi j’peux t’avaler. C’est déjà pas si mal, et puis ça crée des liens, et puis quand ça dérape, ça fait de jolis bleus.

Je crois que je peux dire ça comme ça, c’est pas tant que je t’aime, c’est que j’suis apte à toi.

Allez viens, t’inquiètes pas, ça meurt jamais ces trucs là, même si un jour ce n’est plus moi sur toi.

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