Brèves de lecture
Comme leur nom l’indique, ces brèves n’ont pas pour vocation de s’attarder en un papier complet ni nécessairement laudatif, mais de conserver ces choses lues.
De guerre crasse – Ambrose Bierce, Histoires macabres et flegmatiques de la Guerre de Sécession
En ces pages, surnaturellement ou non, tous seront frappés. Tous mourront. Et les témoins en conserveront longtemps une fable stridente qui débordera, et de loin, la seule littérature de genre.
Le triomphe du ciel – Alain Cueff, Ciels d’Amérique (1801-2001) [Arts]
Thomas Cole, Winslow Homer, Albert Pinkham Ryder, George Belows, Alfred Stieglitz, Mardsen Hartley, Georgia O’Keeffe, Thomas Hart Benton, Jackson Pollock, Barnett Newman, Robert Smithson, Walter De Maria, Ed Ruscha et Jack Goldstein vous convient à traverser leur pays par tous les vents, de jour comme de nuit, de la « destinée manifeste » à la sombre désespérance.
Soulever les tombes – Edgar Lee Masters, Des voix sous les pierres
Ces traits tantôt fulgurants et mystiques, tantôt pragmatiques et cocasses, fiers et farouches, désespérés ou résignés, montent des pierres chaudes en une brume bruissant des ruminations de ces gentils fantômes stupéfaits de leur sort.
Don’t Leave Me Now – Samuel Lebon, Ne pleure pas sur moi
Ce court texte d'amour et de béances, fracassé et inattendu, suppure de références explicites pour les amateurs de dingueries du plat pays. Il s’avère bien moins gratuit que son postulat d’ouverture et ses poses cavalières ne le laissent supposer.
La France dépecée – Marion Messina, La peau sur la table
Marion Messina achève sa mission sans l'indélicatesse de nous condamner à nous positionner bassement. Elle expose, pour nous délivrer tous, ce qui dégrade, humilie et rejoint l’abject sans ciller.
Crise de nerfs en Toyota Corolla – Horacio Castellanos Moya, Le Dégoût
« La stupidité, on ne peut en venir à bout qu’en l’arrachant d’un coup, la stupidité humaine ne comprend rien aux demi-mesures. » Moya, attablé avec son ami Vega qui revient au Salvador enterrer sa mère après un exil de plusieurs années, écoute le long monologue de...
Avec les anarchistes de l’âme – John Cowper, Theodor et Llewelyn Powys, Les Parias
Donnez-nous, ô dieux, pleine liberté de passer avec indifférence notre chemin. Donnez-nous même l’illumination d’une haine sans borne. Mais délivrez-nous – au moins – de l’hypocrisie d’une condamnation légale !
Personne n’est innocent, personne n’est à l’abri – Willem Frederik Hermans, La Maison préservée
C’est tout l’éclat de ce texte sans issue où tout le monde est coupable : il est inadmissible et insolent, cinglant et injuste, il est à lui tout seul toute guerre.
Occupée – Julien Gracq, La Maison
« J’avais soudain la sensation absurde et en même temps extrêmement précise que le bois était d’une manière ou d’une autre occupé. »
Paris, par la petite porte – Sergio Aquindo, Bête à gravats
Un premier roman en récit généreux, au cœur du monde des travailleurs pauvres, immigrés ou non, qui garde dans son humanité imbibant chaque page le souvenir vif de cette entrée en la matière brute et sans pitié.
Autorités intellectuelles – La fille parfaite, de Nathalie Azoulai
Lorsqu’Adèle la mathématicienne se suicide (pendue, comme un homme), Rachel, l’écrivain, résignée, soulagée autant que mortifiée, se met en devoir de témoigner, car après tout, la littérature, elle, reste.
Contre la désolation du présent – Dag Hammarskjöld, Jalons
Jalons est le secret d'un homme résolu, juste, rare. Ses traits fusent tour à tour ardents et dépouillés, alors qu'il se retire le soir d'un monde qu'il a investi le jour, afin de ne pas oublier d'en extraire, interroger et conserver l'essence.