Les siestes du Ranch - Extraits

Nous sommes après le repas. Tout le monde dort. Tout le monde ? Non, au Ranch, la taulière veille et cherche sur son vieux talkie à capter les êtres encore debout, en émettant en boucle les extraits les plus saillants de ses ouvrages favoris.

Marcel Aymé, Le Confort intellectuel – Dégradation accélérée du romantisme

Marcel Aymé, Le Confort intellectuel – Dégradation accélérée du romantisme

Le malheur est en effet que depuis une trentaine d’années, il n’existe plus véritablement de snobisme. Ceux qui semblent encore préposés à cette fonction ne possèdent plus les vertus nécessaires de frivolité et d’instabilité. Ils prennent tout très au sérieux et ne gardent plus par devers soi cette légère réserve d’ironie qui permettait autrefois d’oublier et de repartir.

Junichirô Tanizaki, Éloge de l’ombre – La fallacieuse beauté de la pénombre

Junichirô Tanizaki, Éloge de l’ombre – La fallacieuse beauté de la pénombre

Tout bien pesé, c’est parce que nous autres, Orientaux, nous cherchons à nous accommoder des limites qui nous sont imposées que nous nous sommes de tout temps contentés de notre condition présente ; nous n’éprouvons par conséquent nulle répulsion à l’égard de ce qui est obscur, nous nous y résignons comme à l’inévitable : si la lumière est pauvre, eh bien, qu’elle le soit ! Mieux, nous nous enfonçons avec délice dans les ténèbres et nous leur découvrons une beauté qui leur est propre.

Ernesto Sabato – «Tu auras à pardonner cette sorte d’insolence un nombre infini de fois »

Ernesto Sabato – «Tu auras à pardonner cette sorte d’insolence un nombre infini de fois »

Tu me demandes conseil, mais ces conseils je ne puis te les donner dans une simple lettre, ni même sous la forme des idées contenues dans mes essais, qui correspondent moins à ce que je suis véritablement qu’à ce que je voudrais être, si je n’étais incarné dans cette charogne pourrie, ou sur le point de pourrir, qu’est mon corps.

Lucien, Comédies humaines – Contre la profanation par les incultes

Lucien, Comédies humaines – Contre la profanation par les incultes

« Cependant, si tu as décidé de rester, envers et contre tout, en proie à la même maladie, va, achète des livres, garde-les sous clef chez toi, et jouis de la gloire de les posséder. Cela doit te suffire. Mais ne les touche jamais, ne les lis pas, ne livre pas à ta langue la prose et la poésie des auteurs anciens qui ne t’ont rien fait de mal. »

Léon Bloy, Méditations et Sang du pauvre : les profiteurs de guerre

Léon Bloy, Méditations et Sang du pauvre : les profiteurs de guerre

« On ne peut rien faire sans argent », dit un lieu commun dont la stupidité sacrilège est parfaitement ignorée de ceux qui en font usage. Sans doute on ne peut rien sans la sueur et le sang du pauvre ; mais cette sueur, quand elle coule d’un noble front, et ce sang, lorsqu’il ruisselle d’un cœur généreux, ce n’est pas aux chiens de les venir boire et c’est une horreur d’en être témoin.

Xénophon, Mémorables – Se gouverner soi-même avant de prétendre gouverner les autres

Xénophon, Mémorables – Se gouverner soi-même avant de prétendre gouverner les autres

À mon avis, par Héra, un homme libre doit souhaiter de ne pas tomber sur un tel esclave ; inversement, celui qui est esclave de ce genre de plaisirs doit supplier les dieux de tomber sur de bons maîtres, car c’est seulement ainsi qu’il pourra être sauvé.

Les mots ne sont pas de ce monde
Hugo von Hofmannsthal, Les mots ne sont pas de ce monde – Éteindre le brouhaha

Hugo von Hofmannsthal, Les mots ne sont pas de ce monde – Éteindre le brouhaha

Les mots de ne sont pas de ce monde, ils sont un monde pour soi, justement un monde complet et total comme le monde des sons. On peut dire tout ce qui existe, on peut mettre en musique tout ce qui existe. Mais jamais on ne peut dire totalement une chose comme elle est.

Don Jean Habrey, Combat vital ou le citadin initié – L’intelligence du corps

Don Jean Habrey, Combat vital ou le citadin initié – L’intelligence du corps

« Mon combat n’est pas moral, il est d’abord physique. Donc j’insiste sur ce mot « combat », car c’est de cela qu’il est question durant toute la vie, c’est un combat qu’il faut mener, mais un combat vital, littéralement « pour la vie ». Il faut que l’homme du XXIe siècle redevienne un homme d’action. »