Les recherches au sol n’ont rien donné. J’arrête.

L‘apologie du vide est prétentieuse, disons que l’étendue d’eau n’en finit plus, il n’y a pas de Nouveau Monde pour cette fois. Et finalement, la dérive devient une berceuse, je n’ai pas peur pour moi, si je coule le poids de mon corps deviendra supportable, les failles m’accueilleront dans un silence caressant.

Mais je ne coulerai pas. Je dois tenir une main sous les embruns, et lui montrer.

J’ai rasé les murs de la grande ville, patienté dans le bruit sans envergure, je n’ai rien trouvé comme promesse à lui faire, elle n’écoutait pas, jamais. Je ne m’en plains pas, je ne la regardais pas. Ce n’est pas un scandale. Mais enfin, nous ne sommes rapidement plus personne, nos cœurs se vident, nos yeux se vitrent, nos peaux grisent, l’instinct abdique.

Toi tu n’as jamais cherché, tu n’as aucune idée de ce qui s’est entassé sans tri pendant des années, à ton insu. Tu voudrais tout découvrir pour t’en débarrasser, amusé, en recul, détaché de ton propre butin, certain de pouvoir t’en laver les mains si ça tournait mal. Mais l’importance te rattrape. Rien ne comptait, et te voilà impliqué sans objet.

Tu as eu des pertes lourdes, à ne savoir rien retenir. Ta dérive est moins joyeuse, tu scrutes un horizon qui te moque, insolent dans sa pure régularité inaccessible. As-tu toujours ce mal vrillé à l’estomac ? Sais-tu apprécier le roulis pour dormir, enfin ?

J’ai froid pour toi, j’ai peur pour toi, je ne peux rien faire. Si l’océan se soulève, si la coque déchire, si les avions explosent et les tours s’effondrent, si les lumières s’éteignent et les paillettes tarissent, si je manque de vivres, si je m’endors et relâche mon attention et ta main, si tu glisses du cockpit déchiré, si le feu éclair t’emporte dans un couloir incandescent, si le rideau s’abat sur ta prestation médiocre, si tu pleures en coulisse, je coulerai sans résistance, je remercierai la corde qui m’attache à la proue avant qu’elle ne se brise sur un glacier immense. Ce n’est pas un scandale.

Pour l’heure, sur nos radeaux solides lissant la mer d’huile sous un soleil clément, New York n’existe pas, profitons-en pour sourire.

 

Pour poursuivre la route ensemble...
Soulever les tombes – Edgar Lee Masters, Des voix sous les pierres

Ces traits tantôt fulgurants et mystiques, tantôt pragmatiques et cocasses, fiers et farouches, désespérés ou résignés, montent des pierres chaudes en une brume bruissant des ruminations de ces gentils fantômes stupéfaits de leur sort.

Le réel entre nous, uniquement le réel

Alors je te sens revenir me chercher, réclamer ta place et la défendre. Tu les assommes tous d’une attention rapide, sauvage, la seule que tu pourras et que je bois avidement comme une eau désinfectée au milieu du cloaque.

Bandol

On a derrière nous, en ombre qui attend sur le chemin, l’année. Cette année d’impatiences, de labeurs, de souffrances, parfois. Une année d’éclats de voix et de rires, de peurs paniques, de nausées du décalage. Une année de crashs et de festins lugubres, de discours mécaniques dans des postes éreintés, > Lire plus

Ce bébé, est-ce qu’il a vraiment existé ?

Allez-vous entendre ce cri, ce nouveau, ce fameux, ce déchirable cri ? Allez-vous le moquer, l’étouffer, le parer de vos rires ? Allons, ne vous moquez pas de moi… qui a déjà retenu le bébé, qui a poursuivi sa trace, pour le dorer, le geler, le manger, qui a vociféré contre lui > Lire plus

Norman Mailer, Oh My America

"Alors, quand me pardonneras-tu d'être un homme ?" Serge Rezvani, Vers les confins. Lettre de Norman Mailer à sa femme Béatrice pendant la guerre du Pacifique durant laquelle il a écrit "Les Nus et les Morts" Capture du film  Norman Mailer, Histoires d'Amérique, France 2, 1998. > Lire plus

Don’t Leave Me Now – Samuel Lebon, Ne pleure pas sur moi

Ce court texte d'amour et de béances, fracassé et inattendu, suppure de références explicites pour les amateurs de dingueries du plat pays. Il s’avère bien moins gratuit que son postulat d’ouverture et ses poses cavalières ne le laissent supposer.

Vous souhaitez recevoir les articles ?

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.