Critiques – Extraits
Ce que je cite, j'y souscris, je l'embrasse, je l'incorpore. Ce que j'ai vu ou lu, je dialogue avec pour le transformer en ce qui s'incarne.

Léon Bloy, Méditations et Sang du pauvre : les profiteurs de guerre
« On ne peut rien faire sans argent », dit un lieu commun dont la stupidité sacrilège est parfaitement ignorée de ceux qui en font usage. Sans doute on ne peut rien sans la sueur et le sang du pauvre ; mais cette sueur, quand elle coule d’un noble front, et ce sang, lorsqu’il ruisselle d’un cœur généreux, ce n’est pas aux chiens de les venir boire et c’est une horreur d’en être témoin.

Xénophon, Mémorables – Se gouverner soi-même avant de prétendre gouverner les autres
À mon avis, par Héra, un homme libre doit souhaiter de ne pas tomber sur un tel esclave ; inversement, celui qui est esclave de ce genre de plaisirs doit supplier les dieux de tomber sur de bons maîtres, car c’est seulement ainsi qu’il pourra être sauvé.

Emil Cioran, Précis de décomposition : de l’appétit de primer à l’Art de Pourrir
Car un esprit n’importe que dans la mesure où il se trompe sur ce qu’il veut, sur ce qu’il aime ou sur ce qu’il hait ; étant plusieurs, il ne peut se choisir.

Marcel Moreau – « J’écris en recréant les conditions d’intensité du pillage »
C’est alors que le rire final s’engloutit dans le néant et que la dernière image éblouissante est une convulsion séminale tout empourprée de sang et recouverte à fond de train par des crépuscules de rage.

Hugo von Hofmannsthal, Les mots ne sont pas de ce monde – Éteindre le brouhaha
Les mots de ne sont pas de ce monde, ils sont un monde pour soi, justement un monde complet et total comme le monde des sons. On peut dire tout ce qui existe, on peut mettre en musique tout ce qui existe. Mais jamais on ne peut dire totalement une chose comme elle est.

Don Jean Habrey, Combat vital ou le citadin initié – L’intelligence du corps
« Mon combat n’est pas moral, il est d’abord physique. Donc j’insiste sur ce mot « combat », car c’est de cela qu’il est question durant toute la vie, c’est un combat qu’il faut mener, mais un combat vital, littéralement « pour la vie ». Il faut que l’homme du XXIe siècle redevienne un homme d’action. »

Hermann Hesse, richesse intérieure et refus de commenter
[ Les siestes du Ranch : le déploiement des aides humanitaires intérieures.
Nous sommes après le repas. Tout le monde dort. Tout le monde ? Non, au Ranch, la taulière veille et cherche sur son vieux talkie à capter les êtres encore debout, en émettant en boucle les extraits les plus saillants de ses ouvrages fondateurs.] – « J’ai entre autres choses appris à me défaire du besoin de parler. »

De l’impossibilité d’être intellectuel et moral – Fernando Pessoa, L’Education du stoïcien
Le Baron de Teive, 20e du nom d’une illustre famille portugaise, va se donner la mort. Intellectuel et moral, il n’a rien pu laisser derrière lui, préférant brûler ses ébauches de manuscrits. Seul un ultime journal, courtes pages laissées en guise de témoignage...

Bavure médicale – Les 700 aveugles de Bafia, de Mutt-Lon
Tiré d’une affaire réelle, quoique tout à fait méconnue, Les 700 aveugles de Bafia permettent à l’auteur camerounais Mutt-Lon, dont c’est ici le second roman, de déployer un récit narratif prenant, sensible et sobre. Composé en flash-backs imbriqués, le roman se dévore pour l’intrigue sans doute plus que pour sa psychologie, dont on sent qu’elle n’est pas le principal moteur de l’écrivain.

Ser terco. Insistir – Marion Messina, Faux Départ
Sobre, digne et cru, le style de Marion Messina, qui suit son héroïne simple et franche, ne cède jamais ni au sarcasme ni au pathos. Résolue à se battre, résignée à simplement survivre, Aurélie donne une voix à la jeunesse provinciale motivée mais perdante d’avance. La jeune prodige égratigne avec brio mais sans désespoir complaisant la fameuse égalité des chances, et règle quelques comptes avec son époque, non sans élégance ni fermeté.

Faux départ – Les Cosaques, de Léon Tolstoï
« Comprenez une chose, ou croyez-moi : il faut voir et saisir ce qu’est la vérité et ce qu’est la beauté ; alors tout ce que vous dites, tout ce que vous pensez, tous les souhaits de bonheur que vous faites pour vous et pour moi, tomberont en poussière. Le bonheur, c’est d’être avec la nature, de la voir, de lui parler. »

Résistance à la nuit – Alain Giorgetti et son roman refuge
Tu sais, donc. Tu as traversé, toi aussi. Les galets dans le dos, et le froid, il ne te faut pas bien longtemps pour les prendre pour toi. Echoué et sans secours, tu es déjà mort dans l’indifférence générale. Et puisque tu as eu cette chance infinie de rester un peu...