Balades littéraires & retours de lecture
Ce que j’ai lu, je dialogue librement avec pour le transformer en ce qui s’incarne.
Rien, mais plus large – Absolutely Nothing, de Giorgio Vasta et Ramak Fazel
Cathartique pour ceux qui ont trop, familier pour ceux qui s'évertuent à faire décroître leur désert sans augmenter leurs possessions, touffu, cérébral et fantasque, Absolutely Nothing, Histoires et disparitions dans les déserts américains, n’est pas le livre d’un observateur moraliste ou d’un naturaliste obsessionnel.
Voyage avec les déjà-morts – Tandis que j’agonise, de William Faulkner
Souvent, leur langue bute comme la bêche dans un terrain aride, elle se rend, ne termine pas ce qu'elle commence « comme un petit garçon, dans le noir, pour se donner du courage, qui s’effraye tout à coup de son propre bruit. »
Crise de nerfs en Toyota Corolla – Horacio Castellanos Moya, Le Dégoût
« La stupidité, on ne peut en venir à bout qu’en l’arrachant d’un coup, la stupidité humaine ne comprend rien aux demi-mesures. » Moya, attablé avec son ami Vega qui revient au Salvador enterrer sa mère après un exil de plusieurs années, écoute le long monologue de...
Avec les anarchistes de l’âme – John Cowper, Theodor et Llewelyn Powys, Les Parias
Donnez-nous, ô dieux, pleine liberté de passer avec indifférence notre chemin. Donnez-nous même l’illumination d’une haine sans borne. Mais délivrez-nous – au moins – de l’hypocrisie d’une condamnation légale !
Désordre tranquille – Fernando Pessoa, Proses I & II
« Nous écrivons à dessein ces pages sur un ton, dans un style et sous une forme qui ne sont pas populaires, afin que l’opuscule choisisse de lui-même le public apte à le comprendre. Tout ce qui, en matière de questions sociales, est facile à comprendre est faux et stupide. Les questions sociales sont si complexes qu’être simple c’est s’en écarter. C’est la principale raison pour laquelle la démocratie est impossible. »
L’homme aux virgules de feu – José Carlos Becerra, Comment retarder l’apparition des fourmis
Puis José Carlos Becerra, ce Mexicain qui vivait « les doigts dans la flamme » pour reprendre le titre d’Octavio Paz, prit le virage de cette route d’Italie, en mai 1970, et abandonna ses trente-trois ans sur la chaussée comme une mue devenue trop petite, le manuscrit de Comment retarder l’apparition des fourmis dans la carcasse accidentée.
Personne n’est innocent, personne n’est à l’abri – Willem Frederik Hermans, La Maison préservée
C’est tout l’éclat de ce texte sans issue où tout le monde est coupable : il est inadmissible et insolent, cinglant et injuste, il est à lui tout seul toute guerre.
Occupée – Julien Gracq, La Maison
« J’avais soudain la sensation absurde et en même temps extrêmement précise que le bois était d’une manière ou d’une autre occupé. »
Paris, par la petite porte – Sergio Aquindo, Bête à gravats
Un premier roman en récit généreux, au cœur du monde des travailleurs pauvres, immigrés ou non, qui garde dans son humanité imbibant chaque page le souvenir vif de cette entrée en la matière brute et sans pitié.
Les êtres responsables – Ernesto Sabato, Censure, liberté et droit à la divergence
« Je n’appartiens pas à ce genre de démagogues et d’hypocrites qui se déclarent opposés à toute forme de censure par principe », annonce-t-il d’entrée de jeu. « Le problème n’est pas là, poursuit-il plus loin. Le problème survient quand c’est l’Etat qui fait cela dans la vie publique au moyen de procédés qui ne relèvent ni de la loi ni de la justice. »
Essais sur le Texas – Larry McMurtry, In A Narrow Grave
Si vous n’avez jamais entendu parler de Larry McMurtry, écrivain réputé du Texas, Prix Pulitzer de littérature, c’est sans doute parce que cette région a toujours peiné à exporter hors de ses frontières ses grands auteurs, à la différence des Etats du vieux Sud...
Au fond du bain de griefs et de deuils – Paul Auster, Pays de sang
Bloodbath Nation, paru en 2021, est un livre illustré par les photographies de Spencer Ostrander qui ne montrera rien, traquant l’histoire familiale de Paul Auster dont on ne lui a rien dit, sur la piste de tueurs de masse qu’on ne nommera pas. Pays de sang aujourd’hui traduit en France par Anne-Marie Tissut, est un livre hanté de vide et de honte.