« Pour les plus intelligents d’entre nous, c’est sans doute le devoir d’affronter la vérité déplaisante, et non pas celui de l’éviter, qui a engendré le plus grand nombre de désastre. »

John Cowper Powys, écrivain-philosophe gallois, est mort il y a 60 ans, le 17 juin 1963. Soumis sa vie durant à des visions violentes et sadiques qu’il lèguera à de nombreux personnages de ses romans, il lutta ardemment dans ses essais contre « ces fidèles du lugubre », nihilistes de tout crin et destructeurs de lumière qui ne prenaient pas, à ses yeux, la bonne direction. Depuis The Art of Happiness en 1923, exhumé l’année dernière aux éditions de la Baconnière, jusqu’à The Art of Growing Old, l’auteur des Enchantements de Glastonbury et de Wolf Solent n’eut de cesse de faire entendre sa contre-proposition aux ténèbres. Voici un extrait de The Art of Forgetting the Unpleasant, livré en 1925, court texte dans lequel il défend la position de l’oubli et de la sensualité contre la grande Peur.

« Oublier presque tout ! Oublier l’expression jadis entrevue dans le regard de leur plus cher ami. Oublier les pensées qui leur sont venues à l’esprit tandis qu’ils jetaient un coup d’œil fuyant sur la dépouille de leur épouse, de leur mari, de leur frère.
Oublier chaque matin ce que la veille a pu apporter d’horreur et de féroce méchanceté. Oublier les béances infinies par-delà le soleil bienveillant et les étoiles familières. Oublier les vers et les poux, les chambres de torture et les abattoirs, les salles de vivisection et les excréments éternels. Oublier la nécessité taraudante et l’insolente monotonie du mécanisme biologique qui nous fait avancer cahin-caha, de jour en jour. Oublier combien sont nés et restent encore à naître avant que la danse de la mort planétaire ne se fige avec une effrayante rigidité. Oublier la Peur aveugle, informe, non point la peur de quelque menace évidente, définie, mais la peur beaucoup plus profonde de la Peur elle-même. Oublier, en d’autres termes, le fondement même de la vie, cette innommable possibilité de toute atrocité, semblable à la possibilité de toute Vision béatifique. Oublier, en fait, l’atroce et vertigineux vortex de la relativité dans lequel nous nous engouffrons tous, en nous accrochant à notre illusion vitale personnelle, car « un seul séjour » ne saurait rien permettre de durable, rien permettre de constant, rien permettre d’inébranlable, rien permettre de stable. »

John Cowper Powys, L’art d’oublier le déplaisir, traduit par Marie-Odile Fortier-Masek, Editions Corti, 2007. Contient également Le vrai Longfellow, Le parfait gentleman, Jardin clos... et Le vent qui fait frissonner l’herbe.

Pour poursuivre la route ensemble...
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