« Charles, je vais te traquer, je vais te retrouver, et je vais te faire du mal. »

Fut ma première (ré)impression à la relecture de Mon cœur mis à nu.

Dénichant ce petit trésor d’édition de 1945 pour une bouchée de pain, je décidai de le relire hier soir, pour me détendre d’une journée passée à me protéger des assauts d’éperviers mentaux (selon l’adorable formule d’Armand Robin dans La Fausse parole) ici sous la forme de fâcheux universitaires sous pseudonymes, chercheurs en humanisme, et apparemment encore loin d’avoir trouvé.

Mais la loi des séries est impitoyable, et je ne fus toujours pas sauve en ces pages. Lasse de me faire insulter, en tant que femme, pour la douzième fois, jusque dans les recoins d’une ombre qui normalement est amie, par un dandy, en ayant largement passé l’âge de trouver cela érotique, je me concentrai sur une « autre lecture » de ce petit recueil de « seconde main », une abîme émouvante.

Une femme ou un homme avait inscrit oct.1968 sur la page de garde, au crayon de bois. Puis, n’avait relevé que trois passages dans ce bref journal intime : celui sur la solitude, celui sur la torture stupide, et enfin celui sur le malentendu de tout amour (voir photos ci-dessous), qui sont en effet de très poignants morceaux parmi d’insupportables autres, à l’entière mesure de ce poète dont je n’ai jamais su, et tant mieux, si je l’aimais vraiment ou non. Quelle importance ? Ma soirée fut ainsi sauvée, oubliant mes tracas familiers et anecdotiques, rêvassant à ce lecteur d’avant qui me laissait ses intimes révélations entre les mains, quel était son chagrin, qui l’avait entendu ? Et je me persuade que de lui adresser aujourd’hui, ici, ce mot, ne le trouvera pas mais en trouvera d’autres.
Que j’aime ou non Baudelaire n’a aucun intérêt. Mais j’aime les bruissements et les traces laissées dans les ouvrages que je recueille à mon tour et qui sont à eux-seuls un autre livre qui se promet. Il faudrait écrire la vie de tous ces lecteurs d’avant nous dont ne nous restent que les fragments anonymes de leurs sélections ou commentaires sur une page, retrouvés des décennies plus tard.

N’empêche, Charles, concernant tes affronts répétés sur le beau sexe : tu ne perds rien pour attendre. Je pardonne les offenses mais je garde la liste.

(Pour être un peu plus claire, à l’endroit de ceux qui n’ont pas lu ce texte : Baudelaire entre autres fulgurantes insanités dont il a le secret y déverse avec une santé que je ne lui connaissais pas une telle ribambelle de haine contre les femmes qu’il finira immanquablement, passée l’inévitable et superficielle vexation, par provoquer l’éclat de rire.)

Pour poursuivre la route ensemble...
Emil Cioran, Précis de décomposition : de l’appétit de primer à l’Art de Pourrir

Car un esprit n’importe que dans la mesure où il se trompe sur ce qu’il veut, sur ce qu’il aime ou sur ce qu’il hait ; étant plusieurs, il ne peut se choisir.

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"- Ce jour où nous étions aurait dû être un jour splendide d'été. Mais les tourbillons de fumée de ce monde en feu continuaient à voiler le ciel d'un épais rideau, où le soleil sinistre n'était plus qu'un disque mort et rouge, sanguinolent. De ce soleil de sang nous avions > Lire plus

Le labyrinthe de jardin ou l’art de l’égarement

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Paris, par la petite porte – Sergio Aquindo, Bête à gravats

Un premier roman en récit généreux, au cœur du monde des travailleurs pauvres, immigrés ou non, qui garde dans son humanité imbibant chaque page le souvenir vif de cette entrée en la matière brute et sans pitié.

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