« Lorsque nous creusons le sol pour trouver les reliques des civilisations passées, nous découvrons des œuvres d’art et des objets artisanaux qui sont presque des œuvres d’art. Si un jour la postérité faisait des fouilles pour découvrir les restes de la nôtre, elle trouvera essentiellement des détritus. Pour une large part notre civilisation est la civilisation du déchet ; les grands groupes humains modernes se signalent de loin par une ceinture de débris, non réintégrables dans le circuit naturel. Rien de plus sinistre que les cimetières de produits hors d’usage, choses qui passent sans transition de l’utilité à l’encombrement. Nous n’avons plus de ruines, nous n’avons que des épaves et l’épave est un mort qu’il faut retuer, que l’on ne retue même plus parce que sa mort n’est pas rentable. La chose reçoit donc une insulte perpétuelle dans le monde de la surconsommation. C’est la raison pour laquelle le monde moderne commence à éprouver la nostalgie des vraies choses. (…) Cette volonté moderne croissante d’un retour aux choses vient alors réactualiser des pensées vieilles de deux mille ans. »
Gilbert Romeyer Dherbey, Les Choses mêmes. La pensée du réel chez Aristote, Encre Marine, 2022, 438 pages.