Si la terre savait à quel point la comète craignait d’entrer en contact avec elle.

*

Son rire est un régulateur de l’aliénation du monde.

*

Le secret du propagandiste : faire la bête à l’instar de ceux qui l’écoutent, afin qu’ils se persuadent qu’ils sont aussi intelligents que lui.

*

Je ne dors jamais l’après-midi, sauf si j’ai affaire à une administration autrichienne.

*

Un propagandiste empoigne le mot. L’artiste attend que le mot le possède.

*

La littérature d’aujourd’hui est faite de recettes concoctées par des malades.

*

Les hommes sont des sauvages restaurés.

*

Un poète lisant son œuvre est semblable à une grande toque goûtant sa cuisine.

*

Les femmes sont les meilleures interlocutrices. Avec qui pourtant on s’entretient le moins.

*

Les entremetteurs sont les représentants de la normalisation.

*

Une femme capable d’utiliser l’acide sulfurique est capable de prendre la plume.

*

Un grand nombre de femmes voudraient partager les rêves des hommes sans pour autant coucher avec eux. On leur fait remarquer l’impossibilité d’une telle situation.

*

Il n’y a plus de créateurs. Ne subsistent que des représentants.

*

Le nigaud qui parle d’art tient l’artiste qui s’exprime pour un prétentieux.

*

Les produits de beauté de la femme tiennent à sa conception de l’univers.

*

La maladie la plus répandue est celle du diagnostic.

*

L’homme politique se fraie un chemin dans la vie, peu importe la manière. L’esthète s’évade de la vie dès qu’une occasion lui est favorable.

*

Nous les hommes sauvages. Avec le désir de nous améliorer.

*

La femme s’éprend d’un seul homme parmi d’autres. L’homme s’éprend de toutes les femmes en pensant qu’il s’agit d’une femme unique.

*

Il ne suffit pas de ne pas saluer. On ne salue pas non plus les gens qu’on ne connaît pas.

*

Vos dieux sont ceux du commerce.

*

Être digne d’être un artiste : celui qui sait tirer d’une conclusion une énigme.

*

La jalousie est une forme d’aboiement qui attire les voleurs.

*

L’analyse réduit les hommes en poussière.

*

Le bourgeois ne tolère pas, dans sa propre maison, ce qui lui paraît inintelligible.

 

Extraits de Karl Kraus, Il ne suffit pas de lire, Aphorismes présentés et traduits par Alfred Eibel, Klincksieck, 2019, 78 pages.

 

 

 

Pour poursuivre la route ensemble...
Dans les tranchées de Drouot – Thierry Laget, Proust, Prix Goncourt. Une émeute littéraire

Voici un livre qui se sirote comme du petit sang, un sourire carnassier aux lèvres, dans la ouate d’une reconstitution historique minutieuse nimbée de la délicatesse irrésistible d’une plume dont la clarté le dispute à l’entrain. Thierry Laget (écrivain et éditeur de Proust) nous emporte en deux-cent pages trépidantes dans > Lire plus

Stevenson vs Thoreau, le choc des petits taons – Robert Louis Stevenson, Un roi barbare

Je ne l'avais pas vu arriver, cela n'en fut que plus savoureux : ce court essai d'un écrivain d'aventures véritablement sympathique et se cherchant un altruisme triomphant contre un dissident sylvestre que l'humain laisse de glace, n'a rien d'un hommage enfiévré. « Il était plus facile, nous dit Emerson, non > Lire plus

La guerre des ordinaires – Henry Lion Oldie, Invasion, journal d’Ukrainiens pacifiques

« Dis, général, de quel mal notre ère souffre-t-elle ? — Celui du siècle dernier. » Stupeur, consternation, impuissance, adaptation rapide à d’absurdes nouvelles conditions de subsistance, volontariat : voici le lot qui apparait désormais commun à chaque civil ordinaire confronté à une invasion ennemie. Pour les Henry Lion Oldie, > Lire plus

Le Texas de Nic Pizzolatto

Galveston, c’est d’abord une petite bourgade balnéaire texane tristement célèbre pour l’un des ouragans les plus meurtriers de l’histoire des États-Unis qui y a fait plus de 8000 morts en 1900. Rita et Ike l’ont une nouvelle fois frappée. C’est aussi un paradis pour l’homme de main brutal qu’est Roy > Lire plus

Pascal Quignard : Si tous, lui non

« Montrer son dos à la société, s’interrompre de croire, se détourner de tout ce qui est regard, préférer lire à surveiller, protéger ceux qui ont disparu des survivants qui les dénigrent, secourir ce qui n’est pas visible, voilà les vertus. Les rares qui ont l’unique courage de fuir surgissent au > Lire plus

Le noir positif et la belle vie difficile | Karen Blixen

« Les grands calaos sont des oiseaux très étranges. Les voir est une expérience en soi, pas entièrement plaisante du reste, car ils ont l’air si omniscients. Un matin, avant le lever du soleil, j’ai été réveillée par un caquetage aigu devant la maison et, en sortant sur la terrasse, j’ai > Lire plus