Et qui tolère le bruit est déjà un cadavre.
Guido Ceronetti, La patience du brûlé.

« Voici ce dont j’ai souvent été témoin empruntant l’une de ces vieilles lignes de train en sous-sol où c’est encore un conducteur humain aux commandes, et que dans la vitesse d’une longue courbe le wagon se remplit de plaintes et grincements métalliques suraigus atroces; avec étonnement: que parmi les autres voyageurs photographiés assis ou debout par l’éclairage, personne sur son visage n’exprime le moindre désagrément; comme s’ils n’entendaient pas. J’ai vérifié encore ce phénomène à la surface quand c’est un jeune individu s’exprimant au moyen de l’échappement de son cyclomoteur modifié à la fin spéciale d’horripiler les nerfs des habitants et des piétons, et qui passe et repasse en sollicitant inutilement la carburation de son engin: tous continuent de vaquer sans faire attention. Voilà déjà un problème: des bruits stridents leur vrillent tout à coup le système nerveux et jettent l’affolement dans leur métabolisme endocrinien (vaso-constriction au seuil de la douleur, mise sous tension par les gluco-corticoïdes et l’adrénaline du réflexe de fuite, etc.) et ils continuent de lire machinalement le journal ou de regarder dans le vide: Ils ne sentent rien. »

Baudouin de Bodinat, La vie sur Terre, Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes, page 133.

Pour poursuivre la route ensemble...
Armel Guerne et les Romantiques

"C'est la gloire des Romantiques, juste devant la précipitation des temps modernes qu'aucune main humaine bientôt n'allait pouvoir retenir, d'avoir écouté ce sang-là en eux-mêmes, d'avoir voulu pour notre temps, à la façon universelle des poètes, joindre encore et réappartenir plus sensiblement que jamais à cette humanité profonde, toujours la > Lire plus

Arrivée au Centre, j’attends

J’avais oublié la brume, ce matin Orléans disparaît. Je descends tôt vers la Loire, à travers les ruelles aux pierres blanches qu’on devine douces, qu’on ne touche pas encore. Depuis que je sais marcher, à nouveau, que je ne me perds plus, j’avale les artères et les petites veines, les > Lire plus

Les Carnets d’Albert Camus : Exercices solaires

Déguster les trois tomes des Carnets de Camus, c'est affronter les deux faces de son soleil invincible: l'or et le noir, tout au long d'un défilé d'aphorismes et de pensées brillantes, anecdotiques ou hermétiques. C'est également l'émotion de voir vieillir un homme de cœur, ambivalent et évoluant dans toute l'Europe > Lire plus

Putain de mort ! de Michael Herr : Paint it war

Don’t give a damn while I laugh at myself don’t give a damn to the words of a whore It’s seven years I hate you  Pink Turns Blue, Seven Years. « Les femmes aiment la guerre car elles n’y meurent jamais. » Un homme.   Il y manque les odeurs, la mort > Lire plus

Georges Bataille, dépenser pour soi

Once there was class war, but not any longer 'cause we are all bourgeois now. Ce qui me semble exemplaire dans le texte qui suit, tiré de La notion de dépense de Georges Bataille (La part maudite, éditions de Minuit, 1967, pages 37-38), c’est bien évidemment la lecture métaphorique que > Lire plus

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Aux Marie, de Belgique, de Corse et d'ailleurs Je prends la parole sacrée de la poétesse allemande Nelly Sachs, liée en des bribes ardentes vers un unique livre que toutes ses dernières forces promettent. Je les sépare pour apaiser ma peur, mais toujours l’ensemble survit. Étouffée, rendue muette par les > Lire plus