« Cette chose que j’abritais n’avait rien d’étranger, ce n’était qu’une variante, qui me distinguait, un désordre que je finis par tolérer. Alors, je supportai de me côtoyer de près, ce que la plupart des hommes exècrent. » p13.
« L’ensemble était un prodige de précision. J’ajouterai que Félice dut le soir même apprendre à la petite à se nourrir car le système n’autorisait à sa bouche de s’ouvrir que lorsqu’elle tournait la tête. Ne me demandez pas comment. En tout cas, en résultait tout le temps des repas un mouvement incessant de son crâne. Bien heureusement ma poupée – je peux décidemment bien la nommer ainsi à présent – s’y accoutuma aisément. Quant aux mots qu’elle cherchait à prononcer, elle n’y parvenait pas, c’est vrai, mais je les imaginais. Nul besoin donc de les entendre. » p80.
« Voir une figure humaine avant de sombrer. » p140.
« Je ne pouvais retarder plus longtemps l’épreuve de la toilette à laquelle m’invitait la porte de la salle de bain ouverte. Je ne pouvais éviter plus longtemps ce cauchemar. Je me levai, me tins droit devant le grand miroir et commençai d’enlever un à un mes vêtements. Ce que je vis de mon reflet nu était parfaitement rassurant : le cou, la poitrine, le visage et les cheveux étaient les miens. Mais que je touche une partie de mon corps et j’y sentais la toison tiède et veloutée d’un rat. Voilà ce qui est difficile à comprendre : il ne restait plus que mon propre regard à ne pas percevoir la bestiole que j’étais devenu. » p147.
« Mais j’aurais dû me méfier. J’ouvris ma porte et je commis une désolante erreur, par négligence, comme on le fait quand l’insouciance se mêle à la fatigue, la seule erreur je crois depuis que j’habitais ici : je laissai béante l’ouverture de mon antre. » p180.

Je crois pouvoir m’en tenir à ces coupures, détachant sous les cartilages quelques morceaux tendres, ceux-là même qui, recomposés, forment les armatures du drôle de petit bouquin ciselé que je viens de terminer. Rien de nouveau, pour autant, sous le soleil de cendres de nos compagnons de noirceur. Mais la caresse chaude d’un esprit de travers, contraint par les attelles d’un style classique et impeccable, se refuse rarement.

Stéphane Velut, Cadence, Bourgois, 2009.

Crédits : Le rat par Jacques Seve -1758

Pour poursuivre la route ensemble...
Un amour à ne pas prendre – Patrick Tudoret, Le petit livre de l’amitié

L'amitié, cet amour à ne pas prendre : voilà qui me vient en refermant la nouvelle gourmandise littéraire de Patrick Tudoret, grand marcheur et farouche fidèle de la bénévolence (vouloir le bien d'êtres élus et s'engager pour agir en fonction - et non prétendre à l'intention bienveillante envers tous, hypocrisie > Lire plus

James Ellroy, Où je trouve mes idées tordues

"Wambaugh m'a changé pour toujours. Voici comment je le sais: Quand je l'ai lu, ma vie m'a fait honte." "Apprendre, c'est une vraie vacherie. J'ai appris à la dure. Je ne recommande l'expérience à personne. Des circonstances extravagantes m'ont frappé de plein fouet. J'ai cultivé le don et la malédiction > Lire plus

L’odeur suave du tueur

Ce clitocybe n'a d'agréable que son odeur, car les douleurs produites par sa consommation sont épouvantables.

Jacques Chessex, alcool et résistance

"Geneviève Bridel : (...) C'est le vertige alors qui vous attirait dans l'alcool ? Jacques Chessex: Non, c'est le culte de la paresse. La consommation régulière et massive d'alcool entretenait en moi une sorte de paresse musicienne, peuplée, harmonieuse et immobile. Je ne buvais pas de manière gesticulatrice, je n'ai > Lire plus

Liberté sans issue – Yves Ternon, Makhno, la révolte anarchiste 1917-1921

S’il ne s’agit en rien, pour Yves Ternon, de fondre une statue au milieu des mousses qui recouvrent la forêt de ces êtres libres et normalement sans visage, son essai cavalant bride abattue – au style procédant par bourrasques cinglant soudain au milieu du calme de la steppe, reprend toutefois > Lire plus

Déclin et salut de la littérature : Philitt revient, et redresse

« Laissons aux idéologues du déclinisme l’illusion d’un âge d’or révolu de la littérature – et osons être présents à notre monde. »

Vous souhaitez recevoir les articles ?

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.