C’est la force de son ombre qui soutient sa stature. Et le rictus balafre un visage fatigué. Je n’avais jamais vu la puissante majesté d’un vrai désespéré. Et pourtant elle s’incarne dans cette grâce dépitée, forcenée de se taire.

On me dit, je l’entends, prose guerrière, culte du héros. Je réponds comme je peux que j’ai tout mélangé. Je tente d’organiser les cages d’un zoo du cœur ouvert, projet bartlebien dont je n’ai plus qu’un titre. Je relis, je renonce, et je retourne chanter.

Il faudra s’apaiser. S’épuiser est un moyen. Il faudra bien, car je ne suis plus l’ingénue déchaînée. J’ai perdu la fraîcheur de mon rire de gosier. Ecrire, et compulser, se taire, écrire, écrire et fouiller  ces milliers de pages, y chercher l’homme et les enfants qu’il faut, qui ne viennent pas, les amis de toujours, les alliés les plus hauts, les plus beaux, les cachés. L’esprit pur du styliste, l’éclatante vérité de l’esthète. Chercher le suffisant. Toucher les bords du contenant. Ne plus flotter sans cesse. Chanter doucement, bercer le brave et Come on Balthazar, I refuse to let you die…

Graver la vague sur ma poitrine dans une noce impossible, pour retenir du flot l’instant fragile du grand effondrement d’écume. Ne plus rien vouloir dire.

Je recommence. Je plonge et je respire sous l’eau, j’éteins, j’y vois.

Je recommence : j’aime sans savoir, je ne sais plus que quand il est trop tard. J’ai le dépit de ne pouvoir mourir pour rien. Aucune cause, aucune abysse qui n’ait raison de cette foutue force de vie.

Et j’ouvre à nouveau, rituellement, perpétuellement le livre qui justifiera mes errances, qui formulera la magique impuissance roulant dans mes artères. Pour dissiper le voile opaque de la buée fétide des haleines qui m’entourent. Les aveugles, les heureux. Ceux qu’il faudrait que je sois. Parce que moi, je n’ai que des pressentiments, des prémonitions déroutantes, mais aucune théorie. Mon instinct ne veut pas dormir, et sous les lignes des autres je découvre effarée ce que j’ai trop perdu à vouloir rester sage.

Et cette connivence avec le sombre, avec le cœur battant, le partage, et les songes, avec l’immense lucidité du presque rien qu’on transforme en superbe, avec le calme grave contenant les viscères qui s’affolent, cette colocation sereine avec l’immonde, cette évidence près de la lave en fusion, je ne me l’explique pas.

Je comprends simplement qu’il n’existe aucun livre que je n’aie déjà lu tout au fond de mon ventre.

 

Pour poursuivre la route ensemble...
Leo Tuor Settembrini Paméla Ramos Si tous moi non
Ce ciel de chasse ! Chamois, rudesse et grands livres

À propos de Leo Tuor, Settembrini, vie et opinions | Soupir : « Que Dieu nous préserve de l’ours blessé, de l’épicéa en surplomb et du bloc qui roule. »

Cybèle, ce soir

Eux, tous, les innommables, que je ne suis même plus sûre de pouvoir dénombrer. La grande conspiration prête-à-porter et exaltée, bronzée, active. Négligée.

Le chat pêcheur, ou chat viverrin

Le chat pêcheur, également nommé chat viverrin, ou pour les Chinois "petite panthère longibande" en raison des motifs qui ornent son incroyable pelage, peut plonger et suivre sa proie sous l'eau durant plusieurs mètres, même si son mode opératoire est plus souvent de s'assoir sur un rocher et de frapper > Lire plus

« Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu faim » – Jean-René Huguenin, Journal

Parmi tous vos immondes amis, j'étais le seul à être propre, à être pur. Pourquoi m'avez-vous aidé à me salir, imbéciles ?

Est-ce ainsi que les hommes meurent ?

Mais ce monde ne mérite aucun second degré. Pour faire tituber un ennemi, depuis l'entrée des grottes aux rêves perdus jusqu'aux charniers des rapports modernes, la résistance pérenne n'a jamais trouvé mieux que le premier degré sans aucune concession.

marcel moreau le chant des paroxysmes
Marcel Moreau – « J’écris en recréant les conditions d’intensité du pillage »

C’est alors que le rire final s’engloutit dans le néant et que la dernière image éblouissante est une convulsion séminale tout empourprée de sang et recouverte à fond de train par des crépuscules de rage.

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