« Le concept kierkegaardien de « l’infinité des possibles », d’une réalité offerte dans son entier  à la déchirure du désastre et de l’absurde, est maintenant un lieu commun. Nous en sommes revenus à une politique de torture et d’otages. La violence, institutionnelle et individuelle, lèche les murailles de la cité, creuse, érode, comme le fait l’eau brunâtre de Venise. Notre seuil d’entendement s’est affaissé. Quand les premières rumeurs des camps de la mort parvinrent clandestinement de Pologne, on refusa de les prendre au sérieux : il ne se passait rien de tel, en Europe, au milieu du vingtième siècle. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un acte de cruauté, un accès de répression ou de dévastation qui nous dépasse, qui ne trouve spontanément sa confirmation. Moralement et psychologiquement, il est effroyable de rester si impassible. Ce nouveau réalisme ne peut que se faire l’allié de ce que la réalité renferme de moins acceptable. »

« Nous privons de leur humanité ceux à qui nous refusons la parole. Nous les exposons, nus, grotesques. D’où le désespoir et l’amertume qui marquent le conflit actuel entre les générations. C’est délibérément qu’on s’attaque aux liens élémentaires d’identité et de cohésion sociale créés par une langue commune. »

George Steiner, Dans le château de Barbe-Bleue. Notes pour une redéfinition de la culture, Gallimard Folio, 1973, p81, 130.

Pour poursuivre la route ensemble...
« Votre bonté doit avoir du tranchant » – Ralph Waldo Emerson, Compter sur soi [Self-Reliance]

Concept-clé du farouche autonome, "hyperthéiste", qu'était Emerson, la self-reliance (autonomie de pensée s'associant à l'idée d'avoir confiance en ses capacités de discernement) trouve dans cet écrin nouvellement republié une élaboration mutine en forme de "défense de paraître" campée dans ses bottes.

L’avenir écharné – Agustina Bazterrica, Cadavre exquis

… et son expression était si humaine qu’elle m’horrifia… Leopoldo Lugones La couverture du poche est d’une niaiserie sans explication à moins peut-être d’avoir voulu atténuer le choc, ce qui est parfaitement vain, en insinuant une sorte de chicklit facétieuse, ce qui est parfaitement faux, celle du grand format n’est > Lire plus

Un lecteur sauvage n’a pas d’identité – Comment devenir vivant, de Giuseppe Montesano

L’un de ces manuels qui nous font retrouver, tous les jours, le feu sacré, et renouveler perpétuellement nos vœux avec le sensible, le vital, et l’éprouvé, en opposition aux sinistres injonctions au sarcasme, au cynisme et à la désillusion.

L’été invincible d’Albert Camus

Pour ma mère. J’ai toujours eu l’impression de vivre en haute mer, menacé, au cœur d’un bonheur royal. Albert Camus, La mer au plus près. « À midi sur les pentes à demi sableuses et couvertes d’héliotropes comme d’une écume qu’auraient laissée en se retirant les vagues furieuses des derniers jours, > Lire plus

Les énergies démoniaques – Kenneth White, Gary Snyder, biographie poétique

Merveille de bréviaire composé à 70% de citations de Snyder (traductions souvent inédites de White), je tourne et retourne sans cesse à ce petit livre qui m'a fait commander, de Gary Snyder, Myths&Texts (traduits par Poème pour les oiseaux au Castor Astral ) et Earth, House, Hold, en anglais. « Les > Lire plus

Peter Matthiessen, des tigres dans la ville

« Dans le sud de la Sibérie, en plein cœur de l’hiver, il fait nuit jusqu’à huit heures du matin. De la fenêtre de la petite chambre gelée que j’occupais à l’hôtel Vladivostok, j’avais une belle vue sur l’immensité blanche de la baie de l’Amour : quand le jour se leva, les > Lire plus

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