« Le concept kierkegaardien de « l’infinité des possibles », d’une réalité offerte dans son entier  à la déchirure du désastre et de l’absurde, est maintenant un lieu commun. Nous en sommes revenus à une politique de torture et d’otages. La violence, institutionnelle et individuelle, lèche les murailles de la cité, creuse, érode, comme le fait l’eau brunâtre de Venise. Notre seuil d’entendement s’est affaissé. Quand les premières rumeurs des camps de la mort parvinrent clandestinement de Pologne, on refusa de les prendre au sérieux : il ne se passait rien de tel, en Europe, au milieu du vingtième siècle. Aujourd’hui, il est difficile d’imaginer un acte de cruauté, un accès de répression ou de dévastation qui nous dépasse, qui ne trouve spontanément sa confirmation. Moralement et psychologiquement, il est effroyable de rester si impassible. Ce nouveau réalisme ne peut que se faire l’allié de ce que la réalité renferme de moins acceptable. »

« Nous privons de leur humanité ceux à qui nous refusons la parole. Nous les exposons, nus, grotesques. D’où le désespoir et l’amertume qui marquent le conflit actuel entre les générations. C’est délibérément qu’on s’attaque aux liens élémentaires d’identité et de cohésion sociale créés par une langue commune. »

George Steiner, Dans le château de Barbe-Bleue. Notes pour une redéfinition de la culture, Gallimard Folio, 1973, p81, 130.

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Bloodbath Nation, paru en 2021, est un livre illustré par les photographies de Spencer Ostrander qui ne montrera rien, traquant l’histoire familiale de Paul Auster dont on ne lui a rien dit, sur la piste de tueurs de masse qu’on ne nommera pas. Pays de sang aujourd’hui traduit en France > Lire plus

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Et qui tolère le bruit est déjà un cadavre. Guido Ceronetti, La patience du brûlé. "Voici ce dont j'ai souvent été témoin empruntant l'une de ces vieilles lignes de train en sous-sol où c'est encore un conducteur humain aux commandes, et que dans la vitesse d'une longue courbe le wagon se > Lire plus

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« Je suis une bougie, je me suis consumée tout au long du festin. Recueillez ma cire au matin, Et cette page vous dira tout bas Comment pleurer, de quoi être fier, Comment offrir Sa dernière part de gaieté avant de mourir, facilement, Et sous l’entrée d’un toit de hasard, Brûler > Lire plus