La sérénité : finir dans l’eau salée. Parce que ça grandit l’homme de vivre sans parler.

Gérard Manset, Finir pêcheur.

« Cela se passait en 1842, au mois de juin ou de juillet, à l’époque où les pluies de mousson atteignent le Bengale. Un gamin de six ans avançait sur l’une des rizières. Dans un pli de son vêtement, il tenait une poignée de riz soufflé dont il grignotait quelques grains tout en marchant. Soudain, levant les yeux, il aperçut une puissante nuée d’orage qui envahissait le ciel et, se profilant sur la couleur sombre des nuages (de cette nuance particulière de bleu-noir qui se dit nila en sanskrit), un vol de grues d’une blancheur éclatante.  Cela lui donna comme un coup au cœur et « son esprit s’égara dans  des régions lointaines ». Il tomba évanoui, laissant son riz s’éparpiller autour de lui. (…) Un non-événement, en somme, et dont le monde n’aurait jamais entendu parler si le héros de ce minuscule fait divers n’était pas devenu célèbre, quelques décennies plus tard, sous le nom de Ramakrishna. (…)

Il y a en effet une véritable luminosité des cieux de mousson qui diffuse à travers les nuées les plus opaques et en fait le contraire d’une nuit d’encre où s’engloutissent les contours des objets.  A l’abri de cette sombre coupole luminescente posée sur l’horizon,  le paysage terrestre se déploie alors avec un relief tout particulier, d’où une netteté cristalline des formes, même les plus graciles – comme celle des oiseaux en vol – et une certaine exaltation des couleurs, depuis les ocres de la terre jusqu’aux mille nuances de jaune-vert des rizières irriguées. En même temps, ces instants sont ressentis comme privilégiés car chacun sait bien qu’une pluie diluvienne ne va pas tarder à noyer toute cette splendeur.

C’est peut-être cela que le futur Ramakrishna a éprouvé d’une manière aussi intense que confuse : le dévoilement magique, sous la banalité des apparences familières, d’un monde plus net, plus dense, aux couleurs plus saturées, plus éclatantes – bref, d’un monde plus réel. »

Michel Hulin, La mystique sauvage, PUF, 1993, pages 21-22.

« Votre analyse des religions est juste. Mais j’aurais aimé vous voir faire l’analyse du sentiment religieux spontané, ou plus exactement de la sensation religieuse, qui est toute différente des religions proprement dites (…) le fait simple et direct de la sensation de l’Eternel (qui peut très bien ne pas être éternel, mais simplement sans bornes perceptibles et comme océanique (…) je suis moi-même familier avec cette sensation. Tout au long de ma vie, elle ne m’a jamais manqué. »

Romain Rolland, Lettre à Freud du 5 décembre 1927, citée dans La mystique sauvage, page 35.

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