Postface de l’auteur à l’ouvrage Politique et crime (1964):

Vous venez de lire neuf essais cherchant à faire un peu de lumière sur certains rapports en raison desquels nous pouvons tous mourir, mais dont personne n’est responsable: le rapport entre la politique et le crime. Philosophe de l’Histoire, ethnologue, historien, juriste, sociologue et psychiatre, c’est tout cela qu’il faudrait être pour avoir quelque compétence en la matière – ‘tout cela’ et plus encore, car il faudrait être mieux qu’un ‘expert’.

Je ne suis rien de ‘tout cela’. Pourtant je livre ces essais au public; car il est des questions que l’on ne peut écarter. Existe-t-il un meurtrier juste ? Sommes-nous tous des traîtres ? A quoi servent les secrets d’Etat ? Y a -t-il des pères du peuple qui sont des gangsters et des gangsters qui sont des entrepreneurs ? Le crime ordinaire est-il un souvenir, une relique ? 10 à 60 millions de morts sont-ils un ‘prix acceptable’ ? Quel est l’avenir d’Auschwitz ? Les amis des animaux et les bons pères de famille sont-ils capables de tout ? Existe-t-il encore des innocents ?

Quiconque pose des questions est obligé de raconter d’anciennes histoires. Peut-être la rétrospective nous ouvrira-t-elle les yeux sur un avenir que l’on pourrait encore éviter. Ce qui est connu semble étrange et dangereux et, du coup, ce qui paraît éloigné se rapproche: le Palais d’Hiver des tsars, une île sucrière des tropiques, le Chicago des années vingt. Terrain vague entre le roman-feuilleton et la philosophie. Le détail est vérifiable, l’hypothèse est la légitime défense d’une façon de penser – que l’on a pas exprimée mais que l’on cherche à rendre compréhensible sur ce qui nous attend depuis vingt ans: le crime palpable est devenu abstrait et le crime abstrait est devenu palpable.

Ce livre ne peut avoir de raison. Ses réponses sont provisoires, ce sont des réponses déguisées. Il reste à souhaiter que d’autres réussiront mieux dans cette tâche.

Hans Magnus Enzensberger, Chicago- Ballade, Allia, page 92.

Chicago-Ballade est un des neuf essais de Politique et crime, récemment publié à part aux éditions Allia, passées maîtresses en fripes, pressing et recyclage du travail précédemment bien fait.

Pour poursuivre la route ensemble...
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« Mon combat n’est pas moral, il est d’abord physique. Donc j’insiste sur ce mot « combat », car c’est de cela qu’il est question durant toute la vie, c’est un combat qu’il faut mener, mais un combat vital, littéralement « pour la vie ». Il faut que l’homme du XXIe siècle redevienne un homme > Lire plus

Des bisons pour le coeur brisé

God may forgive me, but that's not enough 'Cause I gotta live with myself, 'till I'm dust Just walk on by, if we pass on the street Sometimes in battle, it's best to retreat Dan Auerbach, Heartbroken In Disrepair « Ce que je veux dire, c’est ceci : voyagez, étudiez ou prenez un > Lire plus

Lettre à une jeune guerrière | La Résistance d’Ernesto Sabato

Il faut aimer son coin, Clarissa, même si tu le subis. Garder, comme préconise un personnage de Proust, un « grand morceau de ciel » constamment au-dessus de toi, que ton cœur dévasté y reflète l’état réel du monde, la présence constante du mal, la difficulté de faire le bien > Lire plus

George Steiner et l’infinité des possibles

« Le concept kierkegaardien de « l’infinité des possibles », d’une réalité offerte dans son entier  à la déchirure du désastre et de l’absurde, est maintenant un lieu commun. Nous en sommes revenus à une politique de torture et d’otages. La violence, institutionnelle et individuelle, lèche les murailles de la cité, creuse, érode, > Lire plus

Ils aiment la vie, la vie profuse, en attente, offerte à qui sait

« Mais ils [les auteurs islandais] ont en plus, comme systématiquement, un don de poésie, un sens de l’ailleurs et de l’autrement, une conscience des forces occultes qui nous mènent à notre insu, qui transfigurent, littéralement, leur façon de dire. Ils savent l’aliénation de l’homme d’aujourd’hui, le manque de chaleur, la > Lire plus

Ще не вмерла України ~ Le Pingouin d’Andreï Kourkov : vivre sans excuses

« Les Ukrainiens sont individualistes, égoïstes, anarchistes, et ils n’aiment ni le gouvernement ni l’autorité. Ils pensent être capables d’organiser leur vie quel que soit le parti ou la force au pouvoir dans leur pays. S’ils n’aiment pas ce que font les autorités, ils descendent manifester. C’est pourquoi tout gouvernement > Lire plus

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