Dans son inénarrable Maison des feuilles, Mark Z. Danielewski cite un ouvrage fictionnel, The Architecture of Art de Cassandra Rissman LaRue, dans lequel se trouverait une définition des « célèbres sept étapes vers l’accomplissement ». Elles sont à elles seules, dissimulées dans les fondations solides que sont ces notes de bas de page, grimées sous une fausse identité, la profession de foi de l’auteur, son exercice spirituel permanent, celui qu’il intime et à ses personnages, et à ses lecteurs.

« Il existe sept incarnations (et six corrélats) nécessaires pour devenir un Artiste : 1. Explorateur (Courage) 2. Arpenteur (Vision) 3. Mineur (Force) 4. Raffineur (Patience) 5. Concepteur (Intelligence) 6. Créateur (Expérience) 7. Artiste. D’abord, il faut renoncer à la sécurité de votre foyer et aller à l’encontre des dangers du monde, qu’il s’agisse d’un territoire réel ou d’un aspect inexploré de la psyché. C’est ce que l’on entend par « Explorateur ». Ensuite, vous devez savoir reconnaître votre destination une fois que vous êtes arrivé. Remarquez qu’une destination peut parfois être également un voyage. C’est ce qu’on entend par « Arpenteur ». Troisièmement, vous devez être assez fort pour déterrer des faits, suivre des filons historiques, exhumer des détails révélateurs. C’est ce qu’on entend par « Mineur ». Quatrièmement, vous devez être doté de patience pour défricher  votre matériau et en faire quelque chose de rare. Cela peut prendre des mois et même des années. Et c’est ce qu’on entend par « Raffineur ». Cinquièmement, vous devez utiliser votre intelligence pour voir en votre matériau quelque chose de plus important que ses origines. C’est ce qu’on entend par « Concepteur ». Sixièmement, vous devez façonner une œuvre indépendante de tout ce qui l’a précédée, y compris vous-même. Cela s’accomplit par l’expérience et c’est ce qu’on entend par « Créateur ». À ce stade, l’œuvre est acceptable. Vous aurez de la chance si vous parvenez aussi loin. Il est peu probable, toutefois, que vous irez plus loin. La plupart s’arrêtent là. Mais supposons que vous soyez exceptionnel. Supposons que vous soyez unique. Que signifie alors atteindre l’incarnation finale ? Seulement ceci : à chaque étape, de la première à la sixième, vous prendrez davantage de risques, vous verrez davantage, récolterez davantage, traiterez davantage, façonnerez davantage, réfléchirez davantage, aimerez davantage, souffrirez davantage, imaginerez davantage, et à la fin vous saurez pourquoi moins signifie plus et vous laisserez ce qui ne compte pas, garderez ce qui compte et créerez ce qui importe. C’est ce qu’on entend par « Artiste ». »

Source : La Maison des feuilles, de Mark Z. Danielewski, traduction de Claro, Signatures Points [Denoël, 2002 pour la première édition française], 2015, page 433.

Sans transition, un extrait du nouvel album de David Gilmour, monstrueux, sinueux, construit.

Pour poursuivre la route ensemble...
L’odeur suave du tueur

Ce clitocybe n'a d'agréable que son odeur, car les douleurs produites par sa consommation sont épouvantables.

Pascal Quignard : Si tous, lui non

« Montrer son dos à la société, s’interrompre de croire, se détourner de tout ce qui est regard, préférer lire à surveiller, protéger ceux qui ont disparu des survivants qui les dénigrent, secourir ce qui n’est pas visible, voilà les vertus. Les rares qui ont l’unique courage de fuir surgissent au > Lire plus

Ce qui reste, avec Fernand Robert

" Ce qui est excellent, et que les études classiques seules produisent, c’est l’habitude, acquise dès les plus jeunes années, et pour la vie entière, de penser, non seulement que tout est dit, mais que tout a déjà été senti, éprouvé, que rien ne se passe dans notre âme qui > Lire plus

Avertissement aux aveugles – L’Obscurité du dehors, de Cormac McCarthy

« Vous avez pas peur toute seule ? Un peu. Des fois. Pas vous ? Oui m’dame. J’ai toujours eu peur. Même quand y avait personne d’assassiné nulle part. » Peut-on présenter le moindre roman de Cormac McCarthy sans utiliser « ténèbre », « noirceur », « violence » ou autre « désespoir » > Lire plus

Dagerman, Al-Mutanabbi. Consolation à l’homme seul

Car pour souffrir et nous rebeller, pour haïr et supporter, il faut sans doute aimer l’existence. L’amertume et le désespoir n’ont de réalité qu’en devenant hommage à ce dur amour-là. Claude Montserrat-Cals, Consolation à Dagerman.  Quand je vais vers une terre lointaine, j’avance comme un secret blotti au cœur de la > Lire plus

« Le secret, c’est de ne jamais accélérer » | Heptanes Fraxion, Ni chagrin d’amour ni combat de reptiles

Il y a quelques mois, bien entouré d'autres, j'ai lu ce poème Ni chagrin d'amour ni combat de reptiles. J'ai pensé me faire tatouer le titre sur le bras, comme une bravade mystérieuse vers des ennemis invisibles et des copains imaginaires. Mais son auteur, l'étrange et magnétique Toulousain de la > Lire plus

Vous souhaitez recevoir les articles ?

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.