« En cet instant même, poursuivit-il, il se passe les horreurs les plus épouvantables dans tous les coins du monde. Il y a des gens qui se font écraser, taillader, désentripailler, mutiler; leurs cadavres pourrissent et leurs yeux se décomposent avec le reste. Des hurlements de douleur et de peur vibrent à travers l’air, à la vitesse de trois cent trente mètres par seconde. Après s’être propagés pendant trois secondes, ils sont parfaitement imperceptibles. Ce sont là des faits lamentables; mais en jouissons-nous moins de la vie ? Non, bien certainement. Nous éprouvons de la sympathie, sans doute, nous nous représentons en imagination les souffrances des nations et des individus, et nous les déplorons. Mais, après tout, qu’est-ce que la sympathie et l’imagination ? Bien peu de chose, à moins que la personne pour qui nous éprouvons de la sympathie ne soit impliquée de près dans nos affections; et même alors, elles ne vont pas bien loin. Et c’est là une bonne chose; car si l’on avait l’imagination assez vive et une sympathie suffisamment sensible pour comprendre et ressentir véritablement les souffrances d’autrui, on n’aurait jamais un instant de tranquillité d’esprit. Une race véritablement sympathique ne connaitrait seulement pas la signification du bonheur. Mais heureusement, comme je l’ai déjà dit, nous ne sommes pas une race sympathique. Au début de la guerre, je croyais que je souffrais réellement, par l’imagination et la sympathie, avec ceux qui souffraient physiquement. Mais au bout d’un mois ou deux, je fus obligé de reconnaître qu’en toute honnêteté il n’en était rien. Et pourtant, je crois avoir une imagination plus vive que la plupart des gens. On est toujours seul dans la souffrance; c’est là un fait déprimant quand on se trouve être celui qui souffre; mais il rend possible le plaisir pour le reste du monde. »

Aldous Huxley, Jaune de Crome [Crome Yellow, 1921], traduit de l’anglais par Jules Castier,1981, Editions 10/18, pp 141-142.

Pour poursuivre la route ensemble...
Éric Hoffer, Le vrai croyant : pensées sur la nature des mouvements de masse

« Aux frustrés, un mouvement de masse offre, soit à leur personnalité tout entière, soit à certains de ses éléments, des vocations de rechange qui leur rendent la vie supportable et qu'ils ne peuvent pas tirer des ressources de leur propre fond. »

Paul Gadenne, L’Enfer de Sartre – La souffrance morne de l’athée révolté

À vrai dire une seule chose intervient ici pour démentir quelque peu cette impression : la violence avec laquelle ces êtres s’en prennent à leur destin. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, car à vrai dire la révolte ne se justifie que si l’on peut en appeler à quelqu’un. > Lire plus

« Les femmes ont pendant des siècles servi aux hommes de miroirs » – Virginia Woolf, Une chambre à soi

L’apparition dans le miroir est de suprême importance parce que c’est elle qui recharge la vitalité, stimule le système nerveux. Supprimez-la et l’homme peut mourir, comme l’intoxiqué privé de cocaïne.

Le mauvais présage |Stéphane Audoin-Rouzeau, La Part d’ombre, le risque oublié de la guerre

Ces entretiens, plus encore que scientifiquement indispensables (là n’est pas vraiment leur objectif) nous placent en position d’écoute profonde, qui est toujours la plus bénéfique des positions du lecteur.

Épuiser la guerre – Arnaud de La Grange, Le huitième soir

Vent noir, lieutenant de 26 ans, se porte volontaire pour l'Indochine, et la bataille de Dien Bien Phu. Pourquoi ? En huit soirs, dans son carnet, il assiste à sa propre création, et dans son atmosphère, nous y assistons avec lui. Voici quelques mots tentés, sur cette explosive expérience, pourtant > Lire plus

Léon Bloy, Méditations et Sang du pauvre : les profiteurs de guerre

« On ne peut rien faire sans argent », dit un lieu commun dont la stupidité sacrilège est parfaitement ignorée de ceux qui en font usage. Sans doute on ne peut rien sans la sueur et le sang du pauvre ; mais cette sueur, quand elle coule d’un noble front, et ce sang, > Lire plus

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