« Il y a un secret plus grave. L’amour n’est pas que guerre prédative ni les baisers seulement carnivores. La nuit ne tend pas vers le jour.
La nuit est un monde.
Quelque chose qui appartenait au bonheur se perd dans l’étreinte. Il y a dans le plus complet amour, dans le bonheur lui-même, un désir que tout bascule subitement dans la mort. Ce qui vient déborder de violence dans la jouissance est surpassé par une tristesse qui n’est pas psychologique. Par une langueur qui effraie. Il y a des larmes absolues qui se mêlent. Dans la volupté, il y a quelque chose qui succombe.
C’est un attendrissement pour l’autre qui angoisse le cœur. C’est une sensation de l’instant qui ne nous est pas possible. C’est une jalousie d’on ne sait quoi dans le passé et qu’on ne saura pas faire revenir. La détumescence pleine de joie s’adjoignant la sensation de l’irrenouvelable confine au désir de pleurer. On conçoit que bien des bêtes meurent au moment où elles fraient ou s’accouplent. Quelque chose est fini.
Quand on aime le plus intensément, quelque chose est fini. »
Pascal Quignard, Le sexe et l’effroi, Gallimard (grand format splendidement illustré, ou folio)