Régulièrement, lorsque tu portes du sang noir, une infime nuance t’abîme. Elle te cogne extrêmement fort et pour ne pas t’émietter sous cette violence pour la plupart imperceptible, dans l’indifférence générale, tu te défends. Mais comme l’agression, sournoise, est invisible, l’extérieur ne perçoit que ta défense, qu’il ne comprend pas, qu’il juge sortie de nulle part, crevant la torpeur tendue de non-dits. Si tu tentes d’expliquer, tu exposes alors ton mécanisme primitif de survie, la loi du talion (du latin talis, « tel » ou « pareil ») [1], à un entourage incrédule. Il ne désire pas de conflit, donc ne peut imaginer qu’il en existe encore, et qu’on ose s’y opposer autrement que par la fuite ou le déni. Autrefois pourtant, la loi du talion a été créée pour opposer, justement, une réaction proportionnée à un tort reçu. Précédemment, lorsque tu volais un boeuf, on t’enlevait la vie. La loi du talion a dit : tu me voles un boeuf, je ne t’enlève pas la vie, mais je te vole un boeuf, et l’équilibre est rétabli. » Et certaines valeurs comme le  respect de soi et de l’autre ont pu émerger, et devenir non négociables, le vide se ferait-il autour de soi.

Lorsque j’ai commencé la série River, je n’ai pu m’empêcher de pleurer devant les deux premiers épisodes, et la prestation formidable de l’acteur principal, le grand Stellan Skarsgård. Enceinte de quelques mois, j’imaginais une intrigue nouée par mes hormones quand soudain, une scène a dévoilé la raison profonde de cette empathie. Nous sommes majoritairement coupables, sans procès, de parler. Seul ou fort. De rappeler les structures humaines qui sous tendent nos réactions. D’oser affirmer qu’étrange ou brisé, nous n’en déchiffrons pas moins la souffrance, les fulgurances et les fêlures de ceux à qui nous exposons la loi du talion, que ceux qui en rejettent toute responsabilité. Que répondre, ou réagir, est le signe, le seul, de notre intérêt profond pour celui ou celle qui nous impacte. Nous refusons de nous éteindre et les éteints nous en veulent. Il faut tenir, pourtant.

John River – Je suis un bon policier, mais dans ce monde, cela ne suffit pas. Dans ce monde, il faut savoir acquiescer, sourire, boire une pinte, et dire « T’as passé une bonne journée ? » Dans ce monde, personne ne peut être différent ou étrange. Ou brisé. Sinon on nous enferme. Alors je fais quoi maintenant ?

Elle – Continuez de parler.

River, saison 1, épisode 2 (Netflix original)


[1] Précisons, pour ce que cela vaut, ceci : Les premiers signes de la loi du talion sont trouvés dans le Code de Hammurabi, en 1730 avant notre ère, dans le royaume de Babylone. Cette loi permet ainsi d’éviter que les personnes ne fassent justice elles-mêmes et introduit un début d’ordre dans la société en ce qui concerne le traitement des crimes.Il est d’ailleurs bénéfique de revoir la définition complète d’une des plus anciennes lois humaines avant même d’en employer l’expression.

Pour poursuivre la route ensemble...
Dantec et Attar, les oiseaux de guerre 1/2

« Si la seule solution est la mort, nous ne sommes pas sur la bonne voie. » Albert Camus, Les Justes. « You might have succedeed in changing me. I might have been turned around. It’s easier to leave than to be left behind, leaving was never my proud. » REM, Leaving New York. « À > Lire plus

Désorientation

Walton Goggins est complètement shakespearien, me disais-je en empruntant l’avenue des Champs Elysées dans le mauvais sens. Tragique Shane Vendrell, déchu Boyd Crowder… quarante balais et deux rôles. Et quels deux rôles…j’ai tout pris je n’ai rien laissé et en veux déjà d’autre. Arrivée à Concorde je fus prise d’un > Lire plus

Lettre à une jeune guerrière | La Résistance d’Ernesto Sabato

Il faut aimer son coin, Clarissa, même si tu le subis. Garder, comme préconise un personnage de Proust, un « grand morceau de ciel » constamment au-dessus de toi, que ton cœur dévasté y reflète l’état réel du monde, la présence constante du mal, la difficulté de faire le bien > Lire plus

« Il faut bien vivre » : la sentence empoisonnée

La sagesse est un jeu de cryptage. Il s’agit d’employer son existence à percevoir exactement tout ce qui n’a pas été clairement formulé, et de ne pas tenter de lui en faire de la publicité.

Leon Tolstoi Le Diable Paméla Ramos Si tous moi non
Le sexe, tout le temps

À propos du Diable, de Léon Tolstoï | Le Diable veillait. Il se manifesta. Un frémissement, d’abord.

Dangers dans le ciel, Mayday, Air Crash : la Providence et le Conseil technique

« S’efforcer de voir la Providence à l’œuvre dans la vie privée est « également révoltante et pour l’intelligence et pour le cœur. » Quand la foudre tombe très près de quelqu’un sans le toucher, on dit souvent que la Providence lui a sauvé la vie, tandis que ceux qui se trouvent à > Lire plus