⬇ Voici un livre que je n’ai pas trouvé bon, tout juste passable – comprendre que je l’ai terminé rapidement, sans réel profit mais avec la seule perte de mes dix-neuf euros : la catastrophe est évitée, je vais tenter de m’en expliquer.
⬇ Il s’agit du journal de bord d’un écrivain-dramaturge embarqué sur un vaisseau de l’Ifremer pour trois semaines d’expéditions scientifiques à la découverte des abysses, au large des Açores. Ce journal littéraire devra être transformé en performance poético-théâtrale afin de sensibiliser le public à la préservation des grands fonds. C’est plutôt bien vendu, et si chaque terme de cette proposition avait été respecté, le livre aurait accompli sa mission. Au lieu de cela :
⬇ De journal de bord, il sera certes question, mais point de journal littéraire. Si l’on admet parfaitement que l’auteur ne puisse nous fournir une vulgarisation scientifique de haute tenue de ce à quoi il assiste, découvrant tout lui-même sur le pont (ce qui n’est pas la moindre première déception, car après tout, si, il aurait pu et même dû s’y efforcer), il est plus difficile d’accepter que le ton plat et parfois familier avec lequel il détaille ses journées ne s’élève jamais, sauf à deux ou trois belles pages près, sur 170, de l’admiration très convenue d’un homme qui s’assume aussi éloigné du sauvage que de l’océan. Un candidat au moins a minima concerné par son sujet aurait été bien plus inspiré.
⬇ Pour les abysses, il faudra se contenter d’un champ hydrothermal à environ deux kilomètres sous la surface, nous ne sommes pas dans Jules Verne. S’il est joliment décrit par Wahl, on y croisera surtout des crevettes et des moules, aux propriétés certes étonnantes, mais nous chercherons toujours le grand poulpe de la couverture. Pour ne rien dire d’un quelconque frisson (l’écrivain manque bien mourir en croisant de loin une physalie, mais cela sera bien tout).
⬇ Pour l’expérience mystique, c’est la partie la plus désastreuse. La « plus ineffable leçon de mystique au monde » (vous avez bien lu, au monde, attention préparez-vous) étant que les crevettes sont bien, à leur place, ici et maintenant.
Notre correspondant n’y avait simplement jamais pensé. Une seule page (mais après tout, elle existe, et je l’ai lue, donc je dois lui rendre grâce) effleure, pour se reprendre bien vite, la possibilité d’une extériorisation du temps intime dans un confinement flottant où les repères s’effacent.
⬇ Je ne crois pas nécessaire de vous en dire plus : nous sommes tous, une heure ou l’autre, tentés de nous détendre dans un épisode moins bon que les autres sur Netflix. C’est toujours le français, c’en est un peu vexant. Pour le reste, n’importe quel reportage de vingt minutes de France 3 Bretagne fera mieux l’affaire.

David Wahl, La vie profonde, une expédition dans les abysses, Arthaud, 2023, 172 pages. Livre acheté neuf en librairie.

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