Falling like a silent paper
Holding on to what may be
It’s a funny time of year

Tu te sens seul parfois ?
– Avec les gens, seulement/
La Ligne Rouge

Journal du 24 mars 2019.

Il subsiste un sentiment confus de grand atermoiement, dont je ne connais pas la cause exacte, bien que la pressentant. J’en profite pour rassembler quelques brides pour me tenir, il faut toujours se battre, oui. Je tourne beaucoup autour de la lumière, qui, lorsqu’elle revient, renouvelle perpétuellement la santé mentale. Une grande chance que nous n’en manquions pas, dans nos plaines beauceronnes. Il est temps de sortir délicatement de la pénombre complaisante des mois frais.

Moisson prématurée – quelques réflexions sur ce que je veux faire

Mes chers mots, à peine arrivés vous me quittez encore. Nous n’avons pas eu le temps de nous dire au revoir. L’aurions-nous eu, qu’en aurions-nous fait ?

Ils sont toujours plus magnifiques lorsqu’ils repartent, leur dos flamboie de ce qu’on ne sait pas, ils s’embrasent et triomphent, s’élèvent et disparaissent. En persistance rétinienne, le trou noir de toute cette lumière inaccessible nous éreinte, il n’est pas possible de soigner ces urgences.

Oui, j’ai confisqué des termes : le feu, le soufre m’appartiennent. Le fracas, l’encombrement, le fleuve, la catastrophe, les déflagrations, les incandescences, la poudre, et toujours tout ce sang, pulsé dans des couloirs trop petits. Je le répète, je m’en enduis, je n’ai rien d’autre. Un beau désastre revendiqué, qui m’appartient. C’est mon champ, j’y moissonne perdue entre ses tranchées. J’y fauche, et sème, n’abandonne jamais. Je faucherai tous ces termes, j’en ferai de nouveaux bouquets qui ne restent pas bien frais, se figent, s’effritent. Par brassées, je retourne les chercher.

Je voudrais parfois que les formules m’oublient. Que mon esprit s’oppose à faire naître, stérilement, des morceaux de chaos que je n’assemblerai pas. Il faudrait que je les rapproche, les fasse se connaître, se répondre, mais j’aurais alors perdu la vigueur primordiale qui me permet de ne pas me laisser par eux manger.

Ces mots sont à moi, ils me permettent d’arrêter ma quête pour une étape de ressource. Lorsque je dis sang, je suis allée au bout de l’humeur, lorsque j’écris feu, j’y suis, et je le sais. Il n’y a pas d’autres nominations, il n’y a pas de mot plus bref, plus désossé que sang, ou feu. Ils sont à moi, laissez-les moi.

Mais, entrez, je vous en prie. S’il me faut partager, essayons. Prenez mon grand blanc froid, peint entre chacun d’entre vous, et teintez-le de vos tripes, faites lumière.

Matt Black. Fallowed tomato fields. Corcoran, California.

Matt Black. Fallowed tomato fields. Corcoran, California.

Toute la série de Kingdom Dust, breathless photographies from Matt Black se retrouve sur son portfolio.

Fournir notre propre lumière – Tentative de traduction personnelle d’une forte citation de Stanley Kubrick

The very meaninglessness of life forces man to create his own meaning. Children, of course, begin life with an untarnished sense of wonder, a capacity to experience total joy at something as simple as the greenness of a leaf; but as they grow older, the awareness of death and decay begins to impinge on their consciousness and subtly erode their joie de vivre, their idealism — and their assumption of immortality. As a child matures, he sees death and pain everywhere about him, and begins to lose faith in the ultimate goodness of man. But, if he’s reasonably strong — and lucky — he can emerge from this twilight of the soul into a rebirth of life’s elan. Both because of and in spite of his awareness of the meaninglessness of life, he can forge a fresh sense of purpose and affirmation. He may not recapture the same pure sense of wonder he was born with, but he can shape something far more enduring and sustaining. The most terrifying fact about the universe is not that it is hostile but that it is indifferent; but if we can come to terms with this indifference and accept the challenges of life within the boundaries of death — however mutable man may be able to make them — our existence as a species can have genuine meaning and fulfillment. However vast the darkness, we must supply our own light.

Stanley Kubrick, Entretien pour Playboy, 1968.

L’insignifiance de la vie oblige l’homme à en créer son propre sens. Les enfants, bien sûr, commencent leur vie baignés d’une sensation immaculée d’émerveillement, d’une capacité à expérimenter une joie totale face à quelque chose d’aussi simple que la couleur d’une feuille ; mais alors qu’ils grandissent, l’avertissement de la mort et du déclin commence à empiéter sur leur conscience et érode subtilement leur joie de vivre, leur idéalisme – et leur assurance d’immortalité. Alors que l’enfant mûrit, il voit la mort et la douleur partout en lui, et commence à perdre foi en la bonté suprême de l’homme. Mais, s’il est raisonnablement solide – et chanceux – il peut émerger de cette obscurité de l’âme vers la renaissance d’un élan de vie. À la fois à cause de et en dépit de sa prise de conscience de l’absurdité de la vie, il peut se forger un but neuf et s’affirmer. Il ne reconquerra pas la même sensation d’émerveillement qu’à ses débuts, mais il peut former quelque chose de bien plus endurant et pérenne. Le fait le plus terrifiant concernant l’univers n’est pas qu’il est hostile mais qu’il est indifférent ; mais si nous arrivons à nous arranger avec cette indifférence et à accepter le défi de la vie à l’intérieur des frontières de la mort – aussi mouvantes que l’homme peut arriver à les rendre – notre existence en tant qu’espèce peut receler un sens authentique et un accomplissement. Si vastes soient les ténèbres, nous devons fournir notre propre lumière.*

*Merci Pascal et Catriona pour la traduction de cette dernière phrase.

Gauri Gill and Rajesh Vangad, Factory and River

Gauri Gill and Rajesh Vangad, Factory and River, from “Fields of Sight”, 2014, ink on archival pigment print, © Gauri Gill and Rajesh Vangad

La série Gauri Gill and Rajesh Vangad: Fields of Sight par Inderpal Grewal

Et toujours, la bande son du moment :

 

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