« Les autres se trompent quand ils assurent qu’un bon soignant doit trouver la distance idéale face aux patients. Je lui dis que ce que nous devons trouver c’est la présence idéale. »

Ils ne sont parfois qu’un paragraphe, tout au plus trois ou quatre pages, les dernières, dans nos vies : ceux qui nous accompagnent au bout, alors qu’une maladie sans espoir a frappé. Plus souvent que nos enfants, nos sœurs, nos amants, nos compagnons de route, ce sont ces êtres, très majoritairement féminins, à l’étrange vocation professionnelle : soigner ceux qui vont mourir. Eduardo Berti, écrivain argentin en résidence d’écriture au CHU de Rouen, écrit pour la première fois directement en français les voix tissées de celles – et trop rares « ceux », à croire qu’entrer au monde et en sortir effraie par trop les hommes – médecins, infirmières, aides au ménage, brancardiers, oiseaux de nuit et de jour aux ailes palliatives soucieuses de ne faire aucun bruit, et de tenir leur juste place jusque dans la pudeur inouïe des mots qu’ils savent trouver. Ce sont leurs paroles qui sont restituées avec fraîcheur et appétit de vivre par l’écrivain observateur, tout aussi discret, jusqu’à disparaître complètement. Avec une tendresse reconnaissante, la curiosité de vérifier quelques clichés qui nous traîneraient encore en tête sur ces lieux de la fin, nous absorbons le tout sans flancher, grâce, justement, à la présence idéale de celui qui les a recueillies. Il existe, bien évidemment, un génie de l’écoute chez les meilleurs accueillants. Eduardo Berti, dont je ne peux préjuger pour le moment du reste de l’œuvre, en possède indéniablement le germe, avec ce récit littéraire délicat où tout sera vrai sauf les noms. Chaque confiant lui souffle un souvenir, une raison d’être, un patient destiné, qui fait bientôt écho avec les autres, et le grand poumon de ce qui inspire lorsque leurs malades, inévitablement, expirent, donne de cet air commun, teinté de joie et de saine vitalité. Lu dans le cadre d’une animation prochaine sur l’Argentine, c’est une première rencontre avec un écrivain jusque-là inconnu, dont il me tarde de lire le reste.

Eduardo Berti, Une présence idéale, Flammarion, 2017 [Editions La Contre-allée, coll. La Sente, 2022], 148 pages.

Pour poursuivre la route ensemble...
Peter Matthiessen, des tigres dans la ville

« Dans le sud de la Sibérie, en plein cœur de l’hiver, il fait nuit jusqu’à huit heures du matin. De la fenêtre de la petite chambre gelée que j’occupais à l’hôtel Vladivostok, j’avais une belle vue sur l’immensité blanche de la baie de l’Amour : quand le jour se leva, les > Lire plus

Jacques Chessex, alcool et résistance

"Geneviève Bridel : (...) C'est le vertige alors qui vous attirait dans l'alcool ? Jacques Chessex: Non, c'est le culte de la paresse. La consommation régulière et massive d'alcool entretenait en moi une sorte de paresse musicienne, peuplée, harmonieuse et immobile. Je ne buvais pas de manière gesticulatrice, je n'ai > Lire plus

Crise de nerfs en Toyota Corolla – Horacio Castellanos Moya, Le Dégoût

« La stupidité, on ne peut en venir à bout qu’en l’arrachant d’un coup, la stupidité humaine ne comprend rien aux demi-mesures. » Moya, attablé avec son ami Vega qui revient au Salvador enterrer sa mère après un exil de plusieurs années, écoute le long monologue de celui-ci qui a décidé, après > Lire plus

Emil Cioran, Précis de décomposition : de l’appétit de primer à l’Art de Pourrir

Car un esprit n’importe que dans la mesure où il se trompe sur ce qu’il veut, sur ce qu’il aime ou sur ce qu’il hait ; étant plusieurs, il ne peut se choisir.

De guerre crasse – Ambrose Bierce, Histoires macabres et flegmatiques de la Guerre de Sécession

En ces pages, surnaturellement ou non, tous seront frappés. Tous mourront. Et les témoins en conserveront longtemps une fable stridente qui débordera, et de loin, la seule littérature de genre. 

Hermann Hesse, richesse intérieure et refus de commenter

[ Les siestes du Ranch : le déploiement des aides humanitaires intérieures. Nous sommes après le repas. Tout le monde dort. Tout le monde ? Non, au Ranch, la taulière veille et cherche sur son vieux talkie à capter les êtres encore debout, en émettant en boucle les extraits les > Lire plus

Vous souhaitez recevoir les articles ?

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.