« Les grands calaos sont des oiseaux très étranges. Les voir est une expérience en soi, pas entièrement plaisante du reste, car ils ont l’air si omniscients. Un matin, avant le lever du soleil, j’ai été réveillée par un caquetage aigu devant la maison et, en sortant sur la terrasse, j’ai vu quarante et un calaos perchés dans les arbres de la pelouse. Ils ressemblaient moins à des oiseaux qu’à une sorte d’ornement fantaisiste dont un enfant aurait affublé les arbres çà et là. Ils étaient tous noirs, mais d’un noir profond et doux, mystérieux et noble, un noir intense qui s’est déposé et incrusté sur une longue durée, comme de la suie ou de la fumée de tourbe, un noir positif qui fait sentir que, dès qu’il s’agit d’élégance, de force et d’intensité, aucune couleur ne se mesure au noir. Tous les calaos parlaient à la fois avec force animation, mais avec courtoisie, comme une réunion d’héritiers après un enterrement. L’air de l’aube avait la clarté du verre, cette sévère compagnie prenait un bain de fraîcheur et de pureté et, derrière les oiseaux et les arbres, le soleil se levait, telle une boule d’un rouge mat. On se demande alors à quelle journée on peut bien s’attendre après un tel petit matin.

Les flamands roses possèdent les plus belles couleurs de tous les oiseaux d’Afrique. Leur plumage va du rose à l’écarlate, comme une ramille volante d’un laurier-rose en fleur. Ils ont des pattes d’une longueur incroyable, les courbes de leur cou et de leur corps sont si singulières et exquises que l’on dirait que, suivant en cela les règles d’une pruderie raffinée et ancienne, ils cherchent à se rendre la vie le plus difficile possible, mais aussi la plus belle. »

Karen Blixen, La ferme africaine (1937), traduit du danois par Alain Gnaedig, Gallimard, coll. Du monde entier, 2005, pages 309-310.

Et le chapitre de se clore sur le spectacle désolant de ces majestueux flamands, transportés sur des bateaux dans des cages trop étroites pour leurs longues pattes, qui cassent, laissant l’oiseau à terre piétiné par les autres, et qu’on jette vulgairement par-dessus-bord au matin. L’image de ces boules molles roses et rouges flottant sinistrement et coulant dans la mer par la bêtise des hommes incapables de plier genoux devant la beauté, toujours avides de la détruire tant ils sont moches, compose l’une des principales couches de l’incroyable tableau créé par le génie de Karen Blixen. Qui, n’en doutons pas, finira lui aussi jeté par-dessus-bord.

Vole, vole bel aigle… chante la norvégienne Mari Boine Persen, à l’autre bout du monde :

Crédit : Œil de calao, Larousse.

Pour poursuivre la route ensemble...
André Breton, les masques et le faisceau colossal de forces instinctives

Dans son bel ouvrage Les Masques, M. Georges Buraud a été le premier à dégager le sens profond du besoin qui, en tous temps et en tous lieux, a porté l’homme à dérober son visage derrière une figure modelée à l’apparence d’un animal, à l’image d’un ancêtre ou conçue comme représentative > Lire plus

La Cité de l’Indicible Peur (Jean Ray | X-Files)

« Qui sont-ILS ? On ne le saura jamais mais les estafettes de la Grande Peur meurent sans dévoiler leur effroyable secret.»

Des bisons pour le coeur brisé

God may forgive me, but that's not enough 'Cause I gotta live with myself, 'till I'm dust Just walk on by, if we pass on the street Sometimes in battle, it's best to retreat Dan Auerbach, Heartbroken In Disrepair « Ce que je veux dire, c’est ceci : voyagez, étudiez ou prenez un > Lire plus

Ils aiment la vie, la vie profuse, en attente, offerte à qui sait

« Mais ils [les auteurs islandais] ont en plus, comme systématiquement, un don de poésie, un sens de l’ailleurs et de l’autrement, une conscience des forces occultes qui nous mènent à notre insu, qui transfigurent, littéralement, leur façon de dire. Ils savent l’aliénation de l’homme d’aujourd’hui, le manque de chaleur, la > Lire plus

Le mauvais présage |Stéphane Audoin-Rouzeau, La Part d’ombre, le risque oublié de la guerre

Ces entretiens, plus encore que scientifiquement indispensables (là n’est pas vraiment leur objectif) nous placent en position d’écoute profonde, qui est toujours la plus bénéfique des positions du lecteur.

Dagerman, Al-Mutanabbi. Consolation à l’homme seul

Car pour souffrir et nous rebeller, pour haïr et supporter, il faut sans doute aimer l’existence. L’amertume et le désespoir n’ont de réalité qu’en devenant hommage à ce dur amour-là. Claude Montserrat-Cals, Consolation à Dagerman.  Quand je vais vers une terre lointaine, j’avance comme un secret blotti au cœur de la > Lire plus