Fin XIXe – Australie du Sud. Ruby la native, la « première femme », assiste au massacre de son clan et fuit seule dans le bush où elle survit en appliquant les sagesses héritées, en écoutant les signes, en reconnaissant ses voies. Par infimes traces d’abord, se précisant avec finesse, elle découvre et se fait découvrir par Jack, un « Mick » (Irlandais venu fouiller les terres à la recherche de pierres précieuses). Il est aussi rose et roux qu’elle est brune, recouvert de peaux dont elle aime instantanément les odeurs. Il est doux et patient, au centre de sa cabane, il attend. Elle approche par cercles entre désir et peur de cet autre annonçant la fumée et la mort. Leur amour se tait. Ils se portent. Le minier Jack et sa gemme Ruby s’enfoncent dans une nuit où ils voient, ils ne s’appartiennent pas mais se quittent et se retrouvent au rythme de leurs quêtes solitaires, alors que la violence stridente des possédés et des possédants, autour d’eux, fait rage et constamment les menace.
Poignant récit en vers libres (un poème par page), leur histoire est chantée par une magicienne, elle-même aborigène, aussi légère que les ondulations du serpent venu boire sur la rive, aussi puissante et incongrue que le cri du kookaburra qui brise le charme pour annoncer l’heure de rentrer.

Ali Cobby Eckermann, des « Stolen Generations », fut arrachée bébé, comme tant d’autres, à sa famille en 1963 et adoptée par des colons fermiers luthériens, avant de reprendre, adulte, contact avec sa mère biologique. Elle est aujourd’hui une poète reconnue en son pays, pour la première fois en France très bellement traduite par Mireille Vignol, spécialiste des littératures d’Océanie ayant respecté l’épure et la puissance sacrée de ces songlines, chants qui décrivent précisément les voies d’un territoire vaste, dangereux et trompeur pour qu’on puisse les reconnaître, mais assez brièvement pour qu’on puisse en apprendre des milliers, caractéristiques de ces êtres du Rêve, constamment en mouvement. J’aimerais beaucoup, à présent, le relire en anglais.

Je découvre par cette occasion le catalogue des éditions Au Vent des Îles, basées à Tahiti, et publiant des voix francophones et anglaises du bout de notre monde familier mais renversé. Je ne doute pas un instant de poursuivre avec eux un bout de route venteuse et rêvée.

Ma gratitude à Sophie Ehrsam, sur En Attendant Nadeau, pour l’avoir mise sur mon chemin !

Ali Cobby Eckermann, Ruby Moonlight [2012], traduit de l’anglais (Australie) par Mireille Vignol, Au Vent des Îles, 2023, 84 pages.

Écoutons (et regardons) un des Mille chemins de Denez Prigent, Va Hent « J’y Vais » (Mon chemin) :

Pour poursuivre la route ensemble...
Un été volé | Journal australien

Un feu, parmi les bêtes brutes. J'ai laissé mon cheval pur, simple et droit, comme j'avais décidé de le décrire, après avoir pris à sa bouche autant de baisers que j'ai pu. Il a tourné le dos, les épaules légèrement rentrées, accusant une fatigue tendre. Ses yeux doux et chauds > Lire plus

« Les gens du désert sont plus faciles à guérir » – Bruce Chatwin, Le Chant des pistes

« Dans la foi aborigène, une terre qui n’est pas chantée est une terre morte, puisque, si les chants sont oubliés, la terre elle-même meurt. » « La plus grande partie de l’intérieur de l’Australie n’était que broussailles arides ou désert. Les pluies y tombaient toujours de façon très inégale et une année > Lire plus

Spinalonga – Hanging Rock

En vacances en Crète en 2004, je visitai l’étrange île forteresse fantôme de Spinalonga, dernière léproserie d’Europe, pensant tout au long de cette procession dans les ruines silencieuses et oppressantes au non moins angoissant film de Peter Weir, Pique-Nique à Hanging Rock, découvert lors d’une édition du Festival du Film International > Lire plus

Parades des oiseaux de Paradis

Les paradisiers, Greater Birds of Paradise, sont une beauté gratuite, étourdissante qui s'offre rarement aux yeux de quelques privilégiés, hommes patients et obstinés, à l'écoute de la jungle.

Le sentiment océanique – Michel Hulin, La mystique sauvage

C’est peut-être cela que le futur Ramakrishna a éprouvé d’une manière aussi intense que confuse : le dévoilement magique, sous la banalité des apparences familières, d’un monde plus net, plus dense, aux couleurs plus saturées, plus éclatantes – bref, d’un monde plus réel.

Jack

Il s’appelle Jack. Je sais qui il est, Monsieur, mais cette lumière me brûle et... c’est insensé comme je me rappelle son regard pénétrant, s’immisçant dans mes recoins sans ciller. Il... était assis tout seul dans cette grande salle baroque, il regardait le spectacle sans le voir, absenté depuis un > Lire plus

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