La poésie, c’est une manière d’être attrapé par le sens, et de s’y tenir, parce qu’on ne peut plus faire autrement. Se tenir dans la façon dont on a été saisi, c’est déployer la description de ce saisissement : sans doute ce qu’on appelait, autrefois, un chant.
Jean-Christophe Bailly, Ailleurs, dans les bribes. Sur Lokenath Bhattacharya

 

« Nous nous sommes si souvent plaints de l’insuffisance du langage, de l’imperfection des mots, parlés ou écrits, que nous avons tendance à oublier ce que nous aurions fait si un jour, tout à coup, ils avaient complètement disparu. La parole a été pour l’homme le cadeau le plus précieux : c’est la seule espèce qui en dispose. En règle générale, ce genre de plaintes provient uniquement, ou presque, des écrivains, « enfants gâtés » du langage, de la parole, des mots, comme on voudra. Je dis « enfants » car nous tous, écrivains ou non – hommes, tout simplement – sommes littéralement issus de la parole, notre mère suprême à tous. »

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« Pourquoi la chambre, pourquoi y retourner ? Tout d’abord, pour la simple raison que, pour écrire, on a besoin d’une chambre. On ne peut pas écrire en marchant sur le chemin, en compagnie des autres. C’est ainsi, tout du moins, que cela se passe pour la plupart des écrivains : je ne suis pas une exception. (…)
La chambre, d’un point de vue superficiel, peut n’être qu’une chambre comme une autre, se trouver n’importe où : chambre où pénètre l’écrivain, où il essaie de rassembler ses pensées, de trouver l’expression. Mais cela n’empêche que, plus profondément, la chambre qu’il a en vue n’est autre que l’espace intérieur de son propre cœur, ce lieu magique où il lui faut entrer à tout prix. J’hésite cependant à utiliser à ce propos un mot comme sanctum sanctorum en raison de sa connotation religieuse. Mais consciemment ou non, l’expérience à laquelle aspire l’écrivain, qu’il parviendra peut-être à goûter si les circonstances sont favorables, est, au sens le plus large, de nature profondément religieuse. »

Extraits de : Lokenath Bhattacharya, Où vont les fleuves, traduit du bengali par l’auteur avec Luc Grand-Didier et Gérard Macé, Le bois d’Orion, 1998.

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