La poésie, c’est une manière d’être attrapé par le sens, et de s’y tenir, parce qu’on ne peut plus faire autrement. Se tenir dans la façon dont on a été saisi, c’est déployer la description de ce saisissement : sans doute ce qu’on appelait, autrefois, un chant.
Jean-Christophe Bailly, Ailleurs, dans les bribes. Sur Lokenath Bhattacharya

 

« Nous nous sommes si souvent plaints de l’insuffisance du langage, de l’imperfection des mots, parlés ou écrits, que nous avons tendance à oublier ce que nous aurions fait si un jour, tout à coup, ils avaient complètement disparu. La parole a été pour l’homme le cadeau le plus précieux : c’est la seule espèce qui en dispose. En règle générale, ce genre de plaintes provient uniquement, ou presque, des écrivains, « enfants gâtés » du langage, de la parole, des mots, comme on voudra. Je dis « enfants » car nous tous, écrivains ou non – hommes, tout simplement – sommes littéralement issus de la parole, notre mère suprême à tous. »

*

« Pourquoi la chambre, pourquoi y retourner ? Tout d’abord, pour la simple raison que, pour écrire, on a besoin d’une chambre. On ne peut pas écrire en marchant sur le chemin, en compagnie des autres. C’est ainsi, tout du moins, que cela se passe pour la plupart des écrivains : je ne suis pas une exception. (…)
La chambre, d’un point de vue superficiel, peut n’être qu’une chambre comme une autre, se trouver n’importe où : chambre où pénètre l’écrivain, où il essaie de rassembler ses pensées, de trouver l’expression. Mais cela n’empêche que, plus profondément, la chambre qu’il a en vue n’est autre que l’espace intérieur de son propre cœur, ce lieu magique où il lui faut entrer à tout prix. J’hésite cependant à utiliser à ce propos un mot comme sanctum sanctorum en raison de sa connotation religieuse. Mais consciemment ou non, l’expérience à laquelle aspire l’écrivain, qu’il parviendra peut-être à goûter si les circonstances sont favorables, est, au sens le plus large, de nature profondément religieuse. »

Extraits de : Lokenath Bhattacharya, Où vont les fleuves, traduit du bengali par l’auteur avec Luc Grand-Didier et Gérard Macé, Le bois d’Orion, 1998.

Pour poursuivre la route ensemble...
Plutôt mourir que crever ici | Paulina Dalmayer, Les Héroïques

Le cancer de Wanda ne lui laisse plus de doute : elle va en mourir, et rapidement. Abordant les soixante-dix ans sans comprendre où ils sont passés, celle qui dévora les promesses ambiguës d’une Pologne mal libérée se remémore ses amours, son métier de pédiatre, sa famille et les étapes > Lire plus

Marcel Aymé, Le Confort intellectuel – Dégradation accélérée du romantisme

Le malheur est en effet que depuis une trentaine d’années, il n’existe plus véritablement de snobisme. Ceux qui semblent encore préposés à cette fonction ne possèdent plus les vertus nécessaires de frivolité et d’instabilité. Ils prennent tout très au sérieux et ne gardent plus par devers soi cette légère réserve > Lire plus

L’écrivain ensablé – Silvina Ocampo et Adolfo Bioy Casares, Ceux qui aiment, haïssent

« Notre destin commun, écrivains qui obéissons à l’appel de la vocation et non à l’appât du lucre, est une perpétuelle recherche de prétextes afin d’éloigner le moment de prendre la plume. Aussi, c’est avec empressement que la réalité se charge de nous les fournir et c’est avec une sympathie subtile > Lire plus

« Vos dieux sont ceux du commerce » | Karl Kraus, Il ne suffit pas de lire

Si la terre savait à quel point la comète craignait d’entrer en contact avec elle. * Son rire est un régulateur de l’aliénation du monde. * Le secret du propagandiste : faire la > Lire plus

Le passif résolu de Stig Dagerman

"Poème norvégien de Claes Gill : [Le personnage s’arrête] angoissé au bord du lit du fleuve Comme attendant la lumière d’un blanc ciel printanier Traversant en hâte l’obscurité de son œil Et il énonce ces mots : Je ne sais rien en dehors de ceci, Ceci seul : que la vie me vit > Lire plus

Georges Bernanos contre l’homme nu devant ses maîtres

« L’homme d’autrefois ne ressemblait pas à celui d’aujourd’hui. Il n’eût jamais fait partie de ce bétail que les démocraties ploutocratiques, marxistes ou racistes, nourrissent pour l’usine ou le charnier. Il n’eût jamais appartenu aux troupeaux que nous voyons s’avancer tristement les uns contre les autres, en masses immenses derrière leurs > Lire plus