« Dans le sud de la Sibérie, en plein cœur de l’hiver, il fait nuit jusqu’à huit heures du matin. De la fenêtre de la petite chambre gelée que j’occupais à l’hôtel Vladivostok, j’avais une belle vue sur l’immensité blanche de la baie de l’Amour : quand le jour se leva, les silhouettes voûtées des charognards se détachaient déjà tels des chiffres noirs sur la mer de glace. Après avoir bu un bon café chaud je sortis explorer les lieux et découvrir le fruit de leur pêche, un petit éperlan, appelé kariouchka. L’endurance de ces volatiles pêcheurs n’avait d’égal que celle des marchands de poisson du front de mer, qui proposaient  des crabes royaux, des saumons bossus, des carpes, des harengs, des merlans et une sorte de morue ainsi que certains poissons rares, comme la truite verte géante appelée taimen. Les poissonniers doivent affronter le vent glacial de la baie, où les seuls oiseaux que l’on trouve sont des durs à cuire comme la mouette à queue noire et les aigles de mer.
Une heure plus tard, le ciel et la glace devinrent bleus et on commença à distinguer les couleurs ternes des vêtements des poissonniers courtauds. Une pie s’envola dans un grand bruit d’ailes pour aller se poser sur un chêne de Mongolie du front de mer, où une grande statue de tigre, en bronze, jouait les sentinelles du port. Durant l’hiver particulièrement rigoureux de 1986, quatre tigres s’aventurèrent en pleine ville. Le dernier était un mâle de 220 kilos qui dévora un chien. Malgré la place d’honneur qu’occupe le grand félin sur les armoiries de la ville, le maraudeur fut abattu depuis un hélicoptère. Dans une rue voisine qui donne sur le port se trouve le musée Arseniev, du nom de l’explorateur, où l’on peut voir des spécimens poussiéreux de lynx, de tigres et léopards de l’Amour, probablement rapportés à l’époque de Dersou. »

Peter Matthiessen, Tigres dans la neige, traduit par Isabelle de Couliboeuf, Actes Sud, pages 122-123.

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